PRIONS ET MEDITONS ENSEMBLE

23 Décembre 2023

Un éclaircissement sur la question de la bénédiction des couples homosexuels 

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27 Novembre 2023

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21 Février 2023

Pasteurs et laïcs : « Pas des individus isolés, mais un peuple qui évangélise »

Discours du pape François (texte intégral)

Le pape François invite les pasteurs et les fidèles laïcs à travailler « ensemble » : « Pas des individus isolés, mais un peuple qui évangélise », demande-t-il.

Le pape s’est adressé, le samedi 18 février 2023, aux participants à la Conférence internationale pour les évêques et les référents des commissions épiscopales pour les laïcs, organisée au Vatican par le dicastère pour les Laïcs, la famille et la vie (16-18 février) sur le thème : « Pasteurs et fidèles laïcs appelés à marcher ensemble ». 200 participants – évêques, prêtres et laïcs – sont venus de 72 conférences épiscopales pour participer au congrès.

Dans son discours, le pape souligne qu’ « il y a encore beaucoup de chemin à faire pour que l’Église vive comme un corps » et pour que le peuple de Dieu soit « uni dans la mission ». « Partager la mission », note-t-il, « rapproche les pasteurs et les laïcs, crée la communion d’intentions, manifeste la complémentarité des divers charismes et suscite donc en tous le désir de marcher ensemble ».

 Voici le discours du pape François traduit en français par le Saint-Siège.

Discours du pape François

Chers frères et sœurs, bonjour et bienvenue !

Je remercie le Card. Farrell et je vous salue tous, responsables des Commissions épiscopales pour le laïcat, avec les dirigeants d’associations et de mouvements ecclésiaux, les officiels du Dicastère et toutes les personnes présentes.

Vous êtes venus de vos pays pour réfléchir sur la coresponsabilité – coresponsabilité – des pasteurs et des fidèles laïcs dans l’Église. Le titre du Congrès parle d’un “appel” à “marcher ensemble”, en plaçant le thème dans le contexte plus grand de la synodalité. En effet, la route que Dieu indique à l’Église est précisément celle de vivre plus intensément et plus concrètement la communion et la marche ensemble. Il l’invite à dépasser les manières d’agir en autonomie ou les voies parallèles qui ne se rencontrent jamais : le clergé séparé des laïcs, les consacrés séparés du clergé et des fidèles, la foi intellectuelle de certaines élites séparée de la foi populaire, la Curie romaine séparée des Églises particulières, les évêques séparés des prêtres, les jeunes séparés des personnes âgées, les conjoints et les familles peu impliqués dans la vie des communautés, les mouvements charismatiques séparés des paroisses, etc. C’est la tentation la plus grave en ce moment. Il y a encore beaucoup de chemin à faire pour que l’Église vive comme un corps, comme un vrai Peuple, uni par l’unique foi dans le Christ Sauveur, animé par le même Esprit sanctificateur et orienté vers la même mission d’annoncer l’amour miséricordieux de Dieu le Père.

Ce dernier aspect est décisif : un Peuple uni dans la mission. Et telle est l’intuition que nous devons toujours garder : l’Église est le saint peuple fidèle de Dieu, selon ce qu’affirme Lumen gentium aux nn. 8 et 12; pas de populisme ni d’élitisme, c’est le saint Peuple fidèle de Dieu. Cela ne s’apprend pas théoriquement, on le comprend en le vivant. Ensuite on l’explique, comme on peut, mais si on ne le vit pas on ne saura pas l’expliquer. Un Peuple uni dans la mission. La synodalité trouve sa source et son but ultime dans la mission : elle naît de la mission et est orientée vers la mission. Pensons aux débuts, quand Jésus envoie les Apôtres et qu’ils reviennent tous joyeux, car les démons « fuyaient d’eux » : c’était la mission qui avait apporté ce sens d’ecclésialité. Partager la mission, en effet, rapproche les pasteurs et les laïcs, crée la communion d’intentions, manifeste la complémentarité des divers charismes et suscite donc en tous le désir de marcher ensemble. Nous le voyons en Jésus lui-même, qui s’est entouré, dès le début, d’un groupe de disciples, hommes et femmes, et a vécu avec eux son ministère public. Mais jamais seul. Et quand il a envoyé les Douze annoncer le Royaume de Dieu, il les a envoyés “deux par deux”. Nous voyons la même chose chez saint Paul qui a toujours évangélisé avec des collaborateurs, même des laïcs et des couples d’époux. Pas seul. Et il en a été ainsi dans les moments de grand renouveau et d’élan missionnaire dans l’histoire de l’Église : pasteurs et fidèles laïcs ensemble. Pas des individus isolés, mais un Peuple qui évangélise, le saint Peuple fidèle de Dieu.

Je sais que vous avez aussi parlé de la formation des laïcs, indispensable pour vivre la coresponsabilité. Sur ce point également, je voudrais souligner que la formation doit être orientée vers la mission, non seulement vers les théories, sinon on tombe dans les idéologies. Et c’est terrible, c’est une peste : l’idéologie dans l’Église est une peste. Pour éviter cela, la formation doit être orientée vers la mission. Elle ne doit pas être académique, limitée à des idées théoriques, mais aussi pratique. Elle naît de l’écoute du Kérygme, elle se nourrit de la Parole de Dieu et des Sacrements, elle fait grandir dans le discernement, personnel et communautaire, elle implique immédiatement dans l’apostolat et dans diverses formes de témoignage, parfois simples, qui conduisent à se faire proches des autres. L’apostolat des laïcs est avant tout un témoignage ! Témoignage de sa propre expérience, de sa propre histoire, témoignage de la prière, témoignage du service à ceux qui sont dans le besoin, témoignage de la proximité aux pauvres, proximité aux personnes seules, témoignage de l’accueil, surtout de la part des familles. Et ainsi, on se forme à la mission : en allant vers les autres. C’est une formation “sur le terrain”, et en même temps une voie efficace de croissance spirituelle.

Dès le début, j’ai dit que “je rêve d’une Église missionnaire” (cf. Exhort. ap. Evangelii gaudium, n. 27 ; 32). “Je rêve d’une Église missionnaire”. Et une image de l’Apocalypse me vient à l’esprit quand Jésus dit : « je me tiens à la porte, et je frappe. Si quelqu’un […] ouvre la porte, j’entrerai chez lui ; je prendrai mon repas avec lui » (Ap 3, 20). Mais aujourd’hui, le drame de l’Église est que Jésus continue à frapper à la porte, mais de l’intérieur, pour que nous le laissions sortir ! Très souvent, on finit par être une Église « prisonnière », qui ne laisse pas le Seigneur sortir, qui le tient comme « chose propre », alors que le Seigneur est venu pour la mission et nous veut missionnaires.

Cet horizon nous donne la juste clé de lecture pour le thème de la coresponsabilité des laïcs dans l’Église. En effet, l’exigence de valoriser les laïcs ne dépend pas de quelque nouveauté théologique, ni même d’exigences fonctionnelles à cause de la diminution des prêtres ; elle ne naît pas non plus de revendications catégorielles, pour accorder une “revanche” à ceux qui ont été mis de côté dans le passé. Elle repose plutôt sur une vision correcte de l’Église : l’Église comme Peuple de Dieu, dont les laïcs font partie à part entière avec les ministres ordonnés. Les ministres ordonnés ne sont donc pas les maîtres, ils sont les serviteurs : les pasteurs, pas les maîtres.

Il s’agit de récupérer une “ecclésiologie intégrale”, comme elle l’était dans les premiers siècles, dans laquelle tout est unifié par l’appartenance au Christ et par la communion surnaturelle avec Lui et avec les frères, dépassant une vision sociologique qui distingue des classes et des rangs sociaux et qui repose au fond sur le “pouvoir” assigné à chaque catégorie. L’accent doit être mis sur l’unité et non sur la séparation, sur la distinction. Le laïc, plus que comme “non clerc” ou “non religieux”, doit être considéré comme un baptisé, comme un membre du Peuple saint de Dieu, qui est le sacrement qui ouvre toutes les portes. Dans le Nouveau Testament, on ne trouve pas le mot “laïc”, mais on parle de “croyants”, de “disciples”, de “frères”, des “saints”, termes appliqués à tous : fidèles laïcs et ministres ordonnés, le Peuple de Dieu en marche.

Dans cet unique Peuple de Dieu, qui est l’Église, l’élément fondamental est l’appartenance au Christ. Dans les récits émouvants des Actes des martyrs des premiers siècles, nous trouvons souvent une simple profession de foi : “Je suis chrétien”, disaient-ils, “et c’est pourquoi je ne peux pas sacrifier aux idoles”. Polycarpe, évêque de Smyrne, le dit, par exemple ;[1] Justin et ses autres compagnons, laïcs, le disent.[2] Ces martyrs ne disent pas “je suis évêque” ou “je suis laïc” – « je suis de l’Action Catholique, je suis de cette Congrégation mariale, je suis des Focolari ». Non, ils disent seulement “je suis chrétien”. Aujourd’hui encore, dans un monde qui se sécularise de plus en plus, ce qui nous distingue vraiment comme Peuple de Dieu, c’est la foi dans le Christ, et non l’état de vie considéré en soi. Nous sommes baptisés, chrétiens, disciples de Jésus. Tout le reste est secondaire. « Mais, mon Père, même un prêtre ? » – « Oui, c’est secondaire » – « Même un évêque ? » – « Oui, c’est secondaire » – « Même un cardinal ? » – « C’est secondaire ».

Notre appartenance commune au Christ nous rend tous frères. Le Concile Vatican II affirme : « Par la bienveillance de Dieu, les laïcs ont pour frère le Christ, […] ainsi ils ont aussi pour frères ceux qui, appliqués au sacré ministère, font près de la famille de Dieu office de pasteurs » (Const. Lumen gentium, n. 32). Frères avec le Christ et frères avec les prêtres, frères avec tous.

Et dans cette vision unitaire de l’Église, où nous sommes avant tout chrétiens baptisés, les laïcs vivent dans le monde et en même temps font partie du Peuple fidèle de Dieu. Le Document de Puebla a utilisé une expression heureuse pour exprimer cela : les laïcs sont des hommes et des femmes « d’Église au cœur du monde » et des hommes et des femmes « du monde au cœur de l’Église ».[3] Il est vrai que les laïcs sont appelés à vivre principalement leur mission dans les réalités séculières où ils sont immergés chaque jour, mais cela n’exclut pas qu’ils aient aussi les capacités, les charismes et les compétences pour contribuer à la vie de l’Église : dans l’animation liturgique, dans la catéchèse, dans la formation, dans les structures de gouvernement, dans l’administration des biens, dans la programmation et la mise en œuvre des programmes pastoraux, etc. C’est pourquoi les pasteurs doivent être formés, dès le temps du séminaire, à une collaboration quotidienne et ordinaire avec les laïcs, de sorte que le fait de vivre la communion devienne pour eux une manière naturelle d’agir, et non un fait extraordinaire et occasionnel. Une des pires choses qui arrive chez un pasteur est d’oublier le Peuple dont il est issu, le manque de mémoire. On peut lui adresser cette parole de la Bible si répétée : « Souviens-toi »; « souviens-toi d’où tu as été tiré, du troupeau dont tu as été tiré pour le servir, souviens-toi de tes racines » (cf 2 Tm 1).

Cette coresponsabilité vécue entre laïcs et pasteurs permettra de dépasser les dichotomies, les peurs et les méfiances réciproques. Il est temps que pasteurs et laïcs marchent ensemble, dans tous les domaines de la vie de l’Église, dans toutes les parties du monde ! Les fidèles laïcs ne sont pas des “hôtes” dans l’Église, ils sont chez eux, c’est pourquoi ils sont appelés à prendre soin de leur maison. Les laïcs, et surtout les femmes, doivent être davantage valorisés dans leurs compétences et dans leurs dons humains et spirituels pour la vie des paroisses et des diocèses. Ils peuvent porter, par leur langage “quotidien”, l’annonce de l’Évangile, en s’engageant dans diverses formes de prédication. Ils peuvent collaborer avec les prêtres pour former les enfants et les jeunes, pour aider les fiancés dans la préparation au mariage et pour accompagner les époux dans la vie conjugale et familiale. Ils doivent toujours être consultés lors de la préparation de nouvelles initiatives pastorales à tous les niveaux, local, national et universel. Il faut leur donner une voix dans les conseils pastoraux des Églises particulières. Ils doivent être présents dans les bureaux des diocèses. Ils peuvent aider dans l’accompagnement spirituel d’autres laïcs et apporter également leur contribution dans la formation des séminaristes et des religieux. J’ai entendu une fois une question : « Mon Père, un laïc peut-il être directeur spirituel ? C’est un charisme laïc ! Il peut être prêtre, mais le charisme n’est pas presbytéral ; l’accompagnement spirituel, si le Seigneur vous donne la capacité spirituelle de le faire, est un charisme laïc. Et, avec les pasteurs, ils doivent apporter le témoignage chrétien dans les milieux séculiers : le monde du travail, de la culture, de la politique, de l’art, de la communication sociale.

Nous pourrions dire : laïcs et pasteurs ensemble dans l’Église, laïcs et pasteurs ensemble dans le monde.

Il me vient à l’esprit les dernières pages du livre du Cardinal de Lubac, Méditation sur l’Église, où, pour dire quelle est la pire chose qui puisse arriver à l’Église, il dit que la mondanité spirituelle, qui se traduit par le cléricalisme, « elle serait infiniment plus désastreuse que toute mondanité simplement morale ». Si vous avez le temps, lisez ces trois ou quatre dernières pages de la Méditation sur l’Église de Lubac. Il laisse entendre, en citant même des auteurs, que le cléricalisme est la pire chose qui puisse arriver à l’Église, pire encore qu’à l’époque des papes concubins. Le cléricalisme doit être « chassé ». Un prêtre ou un évêque qui tombe dans cette attitude fait beaucoup de mal à l’Église. Mais c’est une maladie qui infecte : pire encore qu’un prêtre ou un évêque tombé dans le cléricalisme, ce sont les laïcs cléricalisés : s’il vous plaît, ils sont une peste dans l’Église. Que le laïc soit laïc.

Très chers amis, avec ces quelques brefs rappels, j’ai voulu indiquer un idéal, une inspiration qui peut nous aider sur le chemin. Je voudrais que nous ayons tous dans le cœur et dans l’esprit cette belle vision de l’Église : une Église tendue vers la mission et où s’unissent les forces et où l’on marche ensemble pour évangéliser ; une Église où ce qui nous lie est notre identité chrétienne de baptisés, notre appartenance à Jésus ; une Église où une véritable fraternité est vécue entre laïcs et pasteurs, travaillant côte à côte chaque jour, dans tous les domaines de la pastorale, parce que tous sont baptisés.

Je vous exhorte à vous faire promoteurs dans vos Églises de ce que vous avez reçu ces jours-ci, pour continuer ensemble le renouveau de l’Église et sa conversion missionnaire. Je vous bénis tous de tout cœur, ainsi que vos proches, et je vous demande de prier pour moi. Merci.

______________________

[1] Cf. Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique, IV, 15, pp. 1-43.

[2] Cf. Actes du martyre de Justin et de ses compagnons, chap. 1-5 ; PG 6, pp. 1366-1371.

[3] IIIe Conférence générale de l’Épiscopat latino-américain, Document final, Puebla 1979, n. 786.

 

11 Octobre 2022


PAPE FRANÇOIS

 

Angelus 9 Octobre 2022 © Vatican Media

Messe de canonisation : «l’importance de marcher ensemble et de savoir rendre grâce»

 

Le pape François a présidé la messe de canonisation des bienheureux Jean-Baptiste (Giovanni Battista) Scalabrini (1839-1905), évêque de Plaisance (Piacenza), fondateur de la Congrégation des Missionnaires de saint Charles (Scalabriniens) et de la Congrégation des Sœurs Missionnaires de saint Charles Borromée, et Artemide Zatti (1880-1951), laïc salésien, médecin et missionnaire en Patagonie.

Les célébrations ont eu lieu devant quelque 50 000 fidèles dimanche 9 octobre 2022, à 10h15, Place Saint-Pierre. Les délégations officielles d’Italie et d’Argentine y étaient présentes.

 

Homélie du pape

Alors que Jésus est en chemin, dix lépreux viennent à sa rencontre en criant: « Aie pitié de nous » (Lc 17, 13). Les dix sont guéris, mais un seul d’entre eux revient pour remercier Jésus : c’est un Samaritain, une sorte d’hérétique pour les juifs. Au début, ils marchent ensemble, mais ensuite ce Samaritain fait la différence lorsqu’il revient « en louant Dieu à haute voix » (v. 15). Arrêtons-nous sur ces deux aspects que nous pouvons recueillir dans l’Évangile d’aujourd’hui: marcher ensemble et rendre grâce.

Tout d’abord, marcher ensemble. Au début du récit, il n’y a aucune différence entre le Samaritain et les neuf autres. On parle simplement de dix lépreux, qui font groupe et, sans division, vont à la rencontre de Jésus. La lèpre, comme nous le savons, n’était pas seulement un fléau physique – qu’aujourd’hui encore nous devons nous efforcer d’éradiquer – mais aussi une « maladie sociale », car à l’époque, par peur de la contamination, les lépreux devaient rester en dehors de la communauté (cf. Lv 13, 46). Par conséquent, ils ne pouvaient pas entrer dans les centres habités, ils étaient tenus à l’écart, relégués en marge de la vie sociale et même religieuse, isolés. Marchant ensemble, ces lépreux expriment leur désarroi contre une société qui les exclut. Et notons bien: le Samaritain, même s’il est considéré comme un hérétique, un « étranger », fait groupe avec les autres. Frères et sœurs, la maladie et la fragilité communes font tomber les barrières et dépasser toute exclusion.

C’est une belle image pour nous aussi: si nous sommes honnêtes avec nous-mêmes, nous nous rappelons que nous sommes tous malades dans le cœur, que nous sommes tous pécheurs, tous dans le besoin de la miséricorde du Père. Et nous cessons alors de nous diviser sur la base des mérites, des rôles que nous jouons ou de tout autre aspect extérieur de la vie, et les murs intérieurs tombent, les préjugés tombent. Alors, enfin, nous nous redécouvrons frères. Naaman le syrien aussi – nous le rappelle la première Lecture – bien que riche et puissant, a dû, pour être guéri, faire une chose simple: se plonger dans le fleuve dans lequel tous les autres se baignaient. Il a dû d’abord enlever son armure, ses vêtements (cf. 2 R 5): comme il est bon pour nous d’enlever nos armures extérieures, nos barrières défensives, et prendre un bon bain d’humilité, en nous rappelant que nous sommes tous fragiles à l’intérieur, que nous avons tous besoin de guérison, tous frères. Rappelons-nous ceci: la foi chrétienne nous demande toujours de marcher ensemble avec les autres, jamais d’être des marcheurs solitaires; elle nous invite toujours à sortir de nous-mêmes vers Dieu et vers nos frères et sœurs, jamais de nous refermer sur nous-mêmes; elle nous demande toujours de reconnaître que nous avons besoin de guérison et de pardon, et de partager les fragilités de ceux qui nous entourent, sans nous sentir supérieurs.

Frères et sœurs, vérifions si dans notre vie, dans nos familles, dans les lieux où nous travaillons et que nous fréquentons chaque jour, nous sommes capables de marcher ensemble avec les autres, nous sommes capables d’écouter, de surmonter la tentation de nous barricader dans notre autoréférence et de ne penser qu’à nos besoins. Mais marcher ensemble – c’est-à-dire être « synodal » – c’est aussi la vocation de l’Église. Demandons-nous dans quelle mesure nous sommes réellement des communautés ouvertes et inclusives envers tout le monde; si nous sommes capables de travailler ensemble, prêtres et laïcs, au service de l’Évangile; si nous avons une attitude d’accueil – non seulement avec des mots, mais avec des gestes concrets – envers ceux qui sont loin et envers tous ceux qui s’approchent de nous, ne se sentant pas à la hauteur à cause de leurs parcours de vie mouvementés. Les faisons-nous sentir qu’ils font partie de la communauté ou bien les excluons-nous? J’ai peur quand je vois des communautés chrétiennes diviser le monde entre les bons et les mauvais, entre les saints et les pécheurs: c’est ainsi qu’on finit par se sentir meilleurs que les autres et écarter nombre de ceux que Dieu veut embrasser. S’il vous plaît, toujours inclure, dans l’Église comme dans la société, encore marquée par tant d’inégalités et de marginalisations. Inclure tout le monde. Et aujourd’hui, le jour où Scalabrini devient saint, je voudrais penser aux migrants. L’exclusion des migrants est scandaleuse! En fait, l’exclusion des migrants est criminelle, elle les fait mourir devant nous. Et ainsi, aujourd’hui nous avons la Méditerranée qui est le plus grand cimetière du monde. L’exclusion des migrants est dégoûtante, elle est immorale, elle est criminelle. Ne pas ouvrir les portes à ceux qui sont dans le besoin. “Non, nous ne les excluons pas, nous les renvoyons”: dans les camps, où ils sont exploités et vendus comme esclaves. Frères et sœurs, aujourd’hui, pensons à nos migrants, à ceux qui meurent. Et ceux qui sont capables d’entrer, les recevons-nous comme des frères ou les exploitons-nous? Je laisse la question, seulement.

Le deuxième aspect est l’action de grâce. Dans le groupe des dix lépreux, il n’y en a qu’un seul qui, se voyant guéri, retourne louer Dieu et montrer de la gratitude à Jésus. Les neuf autres sont guéris, mais partent ensuite chacun de son côté, oubliant Celui qui les a guéris. Oublier les grâces que Dieu nous donne. Le Samaritain, en revanche, fait du don qu’il a reçu le début d’un nouveau chemin: il retourne vers Celui qui l’a guéri, il va pour connaître Jésus de près, il commence une relation avec Lui. Son attitude de gratitude n’est donc pas un simple geste de courtoisie, mais le début d’un parcours de reconnaissance: il se prosterne aux pieds du Christ (cf. Lc 17, 16), c’est-à-dire qu’il fait un geste d’adoration; il reconnaît que Jésus est le Seigneur, et qu’Il est plus important que la guérison reçue.

Et frères et sœurs, c’est une grande leçon aussi pour nous qui bénéficions chaque jour des dons de Dieu, mais qui suivons souvent notre propre chemin, oubliant de cultiver une relation vivante, réelle avec Lui. C’est une vilaine maladie spirituelle: tout considérer comme acquis, même la foi, même notre relation avec Dieu, au point de devenir des chrétiens qui ne savent plus s’étonner, qui ne savent plus dire “merci”, qui ne se montrent pas reconnaissants, qui ne savent pas voir les merveilles du Seigneur. “Chrétiens à l’eau de rose”, comme disait une dame que j’ai connue. C’est ainsi que nous finissons par penser que tout ce que nous recevons chaque jour est évident et dû. La gratitude, le fait de savoir dire « merci », nous amène au contraire à affirmer la présence du Dieu-amour. Et aussi à reconnaître l’importance des autres, en surmontant l’insatisfaction et l’indifférence qui enlaidissent le cœur. Il est fondamental de savoir rendre grâce. Chaque jour, dire merci au Seigneur, chaque jour, savoir nous remercier les uns les autres : en famille, pour ces petites choses que nous recevons parfois sans même nous demander d’où elles viennent; dans les lieux que nous fréquentons quotidiennement, pour les nombreux services dont nous bénéficions et pour les personnes qui nous soutiennent; dans nos communautés chrétiennes, pour l’amour de Dieu que nous expérimentons à travers la proximité des frères et sœurs qui, souvent en silence, prient, offrent, souffrent, marchent avec nous. S’il vous plaît, n’oublions pas ce mot clé: merci! N’oublions pas d’entendre et de dire “merci”!

Les deux saints canonisés aujourd’hui nous rappellent l’importance de marcher ensemble et de savoir rendre grâce. L’évêque Scalabrini, qui fonda deux Congrégations pour le soin des migrants, une masculine et une féminine, affirmait que dans la marche commune de ceux qui émigrent, il ne faut pas voir seulement des problèmes, mais aussi un dessein de la Providence : «C’est justement à cause des migrations forcées par les persécutions – disait-il – que l’Église a dépassé les frontières de Jérusalem et d’Israël et est devenue « catholique »; grâce aux migrations d’aujourd’hui, l’Église sera un instrument de paix et de communion entre les peuples » (L’emigrazione degli operai italiani, Ferrara 1899). Il y a une migration, en ce moment, ici en Europe, qui nous fait beaucoup souffrir et nous pousse à ouvrir notre cœur: la migration des Ukrainiens qui fuient la guerre. N’oublions pas aujourd’hui l’Ukraine meurtrie! Scalabrini regardait au-delà, il regardait en avant, vers un monde et une Église sans barrières, sans étrangers. Pour sa part, le frère salésien Artemide Zatti, avec sa bicyclette, a été un exemple vivant de gratitude: guéri de la tuberculose, il a consacré toute sa vie à gratifier les autres, à soigner les malades avec amour et tendresse. On dit qu’il a été vu portant le cadavre d’un de ses malades sur ses épaules. Plein de gratitude pour ce qu’il avait reçu, il voulut dire son « merci » en prenant sur lui les blessures des autres. Deux exemples.

Prions pour que nos saints frères nous aident à marcher ensemble, sans murs de séparation, et à cultiver cette noblesse d’âme si agréable à Dieu qu’est la gratitude.

 

6 Octobre 2022

Pour bien discerner, « désactiver le pilote automatique »

Catéchèse sur le discernement : « La connaissance de soi »

« Désactiver le pilote automatique » : c’est le conseil du pape François pour apprendre à discerner. Bien qu’essentielle, la prière ne suffit pas ; il faut également se connaître, « prendre conscience de notre façon de faire, des sentiments qui nous habitent » et des « pensées récurrentes qui nous conditionnent, souvent à notre insu ».

Au cours de l’audience générale de ce mercredi 5 octobre 2022, sur une Place Saint-Pierre chaude et ensoleillée, le pape François a donné sa quatrième catéchèse sur le discernement, intitulée « Se connaître soi-même ». Souvent, a-t-il souligné, « nous ne savons pas discerner parce que nous ne nous connaissons pas suffisamment et ne savons pas non plus ce que nous voulons vraiment ».

 

Traduction de la catéchèse en italien du pape François (Texte intégral)

Chers frères et sœurs, bonjour !

Nous poursuivons notre réflexion sur le thème du discernement. La dernière fois nous avons considéré la prière comme son élément indispensable, considérée comme familiarité et confiance en Dieu. La prière, non comme les perroquets. Non : la prière comme familiarité et confiance en Dieu ; la prière des enfants à leur Père ; la prière avec le cœur ouvert. Nous l’avons vu dans la dernière catéchèse. Aujourd’hui, je voudrais, de manière presque complémentaire, souligner qu’un bon discernement demande aussi la connaissance de soi-même. Se connaître soi-même. Et ce n’est pas facile, hein ! En effet, cela implique nos facultés humaines : la mémoire, l’intellect, la volonté, l’affectivité. Souvent, nous ne savons pas discerner parce que nous ne nous connaissons pas suffisamment et ne savons pas non plus ce que nous voulons vraiment. Vous avez souvent entendu : « Mais cette personne, pourquoi n’arrange-t-elle pas sa vie ? Jamais elle n’a su ce qu’elle voulait… ». Il y a des gens qui… Et puis oui, sa vie va comme ça, parce qu’elle ne sait pas non plus ce qu’elle veut. Sans aller à cet extrême, il nous arrive également de ne pas bien savoir ce que nous voulons, nous ne nous connaissons pas bien.

Les doutes spirituels et les crises de vocation sont souvent sous-tendus par un dialogue insuffisant entre la vie religieuse et notre dimension humaine, cognitive et affective. Un auteur de spiritualité notait combien beaucoup de difficultés sur le sujet du discernement renvoient à des problèmes d’une autre nature, qui doivent être reconnus et explorés. Cet auteur écrit : « J’en suis venu à la conviction que le plus grand obstacle au véritable discernement (et à une réelle croissance dans la prière) n’est pas la nature intangible de Dieu, mais le fait que nous ne nous connaissons pas suffisamment, et que nous ne voulons même pas nous connaître tels que nous sommes vraiment. Nous nous cachons presque tous derrière un masque, non seulement devant les autres, mais aussi lorsque nous nous regardons dans le miroir » (TH. GREEN, Il grano e la zizzania, Rome, 1992, 25). Nous avons tous la tentation d’être masqués, même face à nous-mêmes.

L’oubli de la présence de Dieu dans notre vie va de pair avec l’ignorance sur nous-mêmes – ignorer Dieu et nous ignorer -, l’ignorance sur les caractéristiques de notre personnalité et sur nos désirs les plus profonds.

Se connaître soi-même n’est pas difficile, mais c’est fatigant : cela implique un patient travail d’introspection. Cela requiert la capacité de s’arrêter, de « désactiver le pilote automatique », pour prendre conscience de notre façon de faire, des sentiments qui nous habitent, des pensées récurrentes qui nous conditionnent, souvent à notre insu. Cela exige également que nous fassions la distinction entre les émotions et les facultés spirituelles. « Je sens » n’est pas la même chose que « Je suis convaincu » ; « Je me sens de » n’est pas la même chose que « Je veux ». C’est ainsi seulement qu’il est possible de se rendre compte à quel point la vision que nous avons de nous-mêmes et de la réalité est parfois erronée. S’en rendre compte est une grâce ! En effet, il arrive souvent que des croyances erronées sur la réalité, basées sur les expériences du passé, nous influencent fortement, limitant notre liberté de jouer pour ce qui compte vraiment dans notre vie.

À l’ère des technologies de l’information, nous savons combien il est important de connaître le mot de passe pour accéder aux programmes où se trouvent les informations les plus personnelles et les plus précieuses. Mais la vie spirituelle a aussi ses « mots de passe » : il y a des mots qui touchent le cœur parce qu’ils font référence à ce à quoi nous sommes le plus sensibles. Le tentateur, c’est-à-dire le diable, connaît bien ces mots-clés, et il est important que nous les connaissions aussi, pour ne pas nous retrouver là où nous ne voulons pas être. La tentation ne suggère pas nécessairement de mauvaises choses, mais souvent des choses désordonnées, présentées avec une importance excessive. Il nous hypnotise ainsi par l’appétit que ces choses suscitent en nous, des choses belles mais illusoires, qui ne peuvent pas tenir leurs promesses, et ainsi nous laissent à la fin avec un sentiment de vide et de tristesse. Ce sentiment de vide et de tristesse est le signe que nous avons « pris » une voie qui n’était pas la bonne, qui nous a désorientés. Il peut s’agir par exemple de diplômes, la carrière, les relations, toutes choses en soi louables, mais envers lesquelles, si nous ne sommes pas libres, nous risquons de nourrir des attentes irréelles, comme par exemple la confirmation de notre valeur. Toi, par exemple, quand tu penses à des études que tu entreprends, y penses-tu seulement pour te promouvoir toi-même, pour ton propre intérêt, ou aussi pour servir la communauté ? Là, on peut voir quelle est l’intentionnalité de chacun d’entre nous. Les plus grandes souffrances proviennent souvent de ce malentendu, car aucune de ces choses ne peut être la garantie de notre dignité.

Pour cela, chers frères et sœurs, c’est important de nous connaitre, de se connaître, de connaître les mots de passe de notre cœur, ce à quoi nous sommes le plus sensibles, de se protéger de qui se présente avec des mots persuasifs pour nous manipuler, mais aussi de reconnaître ce qui est vraiment important pour nous, en le distinguant des modes du moment ou des slogans tape-à-l’œil et superficiels. Souvent, ce qui est dit dans un programme à la télévision, dans certaines publicités, nous touche le cœur et nous fait emprunter cette direction sans liberté. Faites attention à cela : suis-je libre ou est-ce que je me laisse aller aux sentiments du moment, ou aux provocations du moment ?

Une aide à cet égard est l’examen de conscience, mais je ne parle pas de l’examen de conscience que nous faisons tous lorsque nous allons nous confesser, non. C’est-à-dire : « Mais j’ai péché en ceci, cela… ». Non. Examen de conscience général de la journée : que s’est-il passé dans mon cœur aujourd’hui ? « Tant de choses sont passées [se sont passées] … ». Lesquelles ? Pourquoi ? Quelles traces ont-elles laissées dans le cœur ? Faire l’examen de conscience, c’est-à-dire la bonne habitude de relire dans le calme ce qui se passe dans notre journée, en apprenant à noter dans nos évaluations et nos choix ce à quoi nous accordons le plus d’importance, ce que nous cherchons et pourquoi, et ce que finalement nous avons trouvé. Et surtout, en apprenant à reconnaître ce qui rassasie mon cœur. Qu’est-ce qui rassasie mon cœur ? Car seul le Seigneur peut nous donner la confirmation de ce que nous valons. Il nous le dit chaque jour de la croix : il est mort pour nous, pour nous montrer combien nous sommes précieux à ses yeux. Aucun obstacle ou échec ne peut empêcher sa tendre étreinte. L’examen de conscience aide beaucoup, parce que nous voyons alors que notre cœur n’est pas une route où tout passe à notre insu. Non. Voir : que s’est-il passé aujourd’hui ? Qu’est-ce qui est advenu ? Qu’est-ce qui m’a fait réagir ? Qu’est-ce qui m’a rendu triste ? Qu’est-ce qui m’a rendu joyeux ? Qu’est-ce qui était mauvais et ai-je fait du mal aux autres ? Mais voir le parcours des sentiments, des attractions dans mon cœur durant la journée. N’oubliez pas hein ! L’autre jour, nous avons parlé de la prière ; aujourd’hui, nous parlons de la connaissance de soi-même.

La prière et la connaissance de soi-même nous permettent de grandir dans la liberté. Il s’agit de grandir dans la liberté ! Ce sont des éléments fondamentaux de l’existence chrétienne, des éléments précieux pour trouver sa place dans la vie. Merci.

 

4 Octobre 2022


 

Angelus 2 Octobre 2022 © Vatican Media

Angelus : le pape François lance un appel aux présidents Poutine et Zelenski

« La guerre en soi est une erreur et une horreur ! »

 

Le pape François a supplié le président de la Fédération de Russie « d’arrêter cette spirale de violence et de mort » et le président de l’Ukraine d’être « ouvert à des propositions de paix sérieuses », dimanche 3 octobre, de la fenêtre du studio du palais apostolique, devant la foule rassemblée pour la prière mariale.

 

Voici l’appel du pape François :

Le développement de la guerre en Ukraine est devenu tellement grave, si destructeur et menaçant qu’il suscite une grande préoccupation. C’est pourquoi aujourd’hui, je voudrais y consacrer ma réflexion tout entière avant l’angelus. En effet, au lieu de se cicatriser, cette blessure terrible et inconcevable de l’humanité continue de saigner de plus en plus, risquant de s’étendre.

Je suis affligé par les fleuves de sang et de larmes versés ces derniers mois. Je suis attristé par les milliers de victimes, en particulier parmi les enfants, et par toutes les destructions qui ont laissé sans toit de nombreuses personnes et familles et qui menacent de froid et de faim de vastes territoires. On ne peut jamais justifier certaines actions, jamais ! Comme il est angoissant que le monde apprenne la géographie de l’Ukraine à travers des noms comme Boutcha, Irpin, Marioupol, Zaporijia et d’autres lieux devenus des lieux de souffrance et de peur indescriptibles. Et que dire du fait que l’humanité se trouve à nouveau confrontée à la menace nucléaire ? C’est absurde !

Que devra-t-il encore arriver ? Combien de sang devra encore couler pour que nous comprenions que la guerre n’est jamais une solution, mais qu’elle n’est que destruction ? Au nom de Dieu et au nom du sens de l’humanité qui habite tous les cœurs, je renouvelle mon appel à un cessez-le-feu immédiat. Que se taisent les armes et que l’on cherche des conditions de négociations qui mèneront à des solutions non pas imposées par la force, mais concertées, justes et stables. Et elles le seront si elles sont fondées sur le respect de la valeur sacro-sainte de la vie humaine, ainsi que de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de chaque pays et des droits des minorités et de leurs légitimes préoccupations.

Je déplore profondément la grave situation qui s’est créée ces derniers jours, avec de nouvelles actions contraires aux principes du droit international. En effet, celle-ci augmente le risque d’une escalade nucléaire, au point de faire craindre des conséquences incontrôlables et catastrophiques au niveau mondial.

Mon appel s’adresse avant tout au président de la Fédération de Russie, le suppliant d’arrêter cette spirale de violence et de mort, en particulier pour son peuple. D’autre part, peiné par l’immense souffrance de la population ukrainienne en raison de l’agression qu’elle a subie, je lance un appel tout aussi confiant au président ukrainien afin qu’il soit ouvert à des propositions de paix sérieuses. A tous les protagonistes de la vie internationale et aux dirigeants politiques des Nations, je demande instamment de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour mettre fin à la guerre en cours, sans se laisser entraîner dans de dangereuses escalades, et pour promouvoir et soutenir les initiatives de dialogue. S’il vous plaît, permettons aux jeunes générations de respirer l’air sain de la paix et non l’air pollué de la guerre qui est une folie !

Après sept mois d’hostilités, que l’on recoure à tous les instruments de la diplomatie, y compris ceux qui n’ont pas encore été employés, pour faire finir cette immense tragédie. La guerre est en soi une erreur et une horreur !

Mettons notre confiance en la miséricorde de Dieu qui peut changer les cœurs et dans l’intercession maternelle de la Reine de la Paix, alors que s’élève la Supplique à la Vierge du Rosaire de Pompéi, en étant spirituellement unis aux fidèles rassemblés dans son sanctuaire et dans de nombreuses parties du monde.

 

3 Octobre 2022

Octobre: prions pour une Eglise en mouvement à l’écoute de l’Esprit

 

Prions pour que l’Église, fidèle à l’Évangile et courageuse dans son annonce, soit un lieu de solidarité, de fraternité et d’accueil. Qu’elle vive de plus en plus la synodalité.

Dans son éditorial, le père Daniel Régent nous rappelle que « L’Église est aussi un ferment dans le monde, « un signe de contradiction » disait saint Jean Paul II, reprenant le mot de Syméon au Temple lorsqu’il accueillait l’enfant Jésus porté par ses parents (cf. Lc 2,34). Ce ferment se sème par la parole, par le comportement, par une liberté joyeuse qui appelle et conteste tout à la fois. Nous voudrions que nos églises soient accueillantes, mais si rien ne transpire à l’extérieur de la joie d’être au Christ, qui frappera à la porte ?… »

Nous pouvons faire nôtre cette prière qui conclut son édito:

Seigneur, guide ton Église au dedans et au dehors ! Fais-en une Église de pauvres ! Sois béni pour le chemin sur lequel tu nous fais « avancer ensemble » : synodalité…

 

Edito du p. Daniel Régent

 Après les échanges dans les groupes paroissiaux, les rapports diocésains ont rassemblé les réflexions locales en vue du synode des évêques sur la synodalité en octobre 2023. L’intention de prière du pape de ce mois d’octobre est un bon relais pour garder l’attention éveillée. Nous regardons ce qui peut déjà être mis en œuvre afin de faire vivre la fraternité, l’accueil, la solidarité ; et nous prions avec ferveur pour le devenir de l’Église.

 Notre prière s’élève pour que l’Église soit fidèle à l’Évangile, au Christ. Sa Parole est un ferment au cœur de nos vies. La fidélité n’est pas de se conformer à ce qui s’est toujours fait. Il ne s’agit pas de brader l’héritage, mais de percevoir en lui comment des hommes et des femmes ont osé vivre leur époque, à la lumière de l’Esprit Saint. Dans les traces qu’ils nous donnent nous accueillons l’invitation à faire de même. La Tradition (le mot signifie transmission) appelle à vivre la fidélité même du Christ envers son Église.

L’Église est aussi un ferment dans le monde, « un signe de contradiction » disait saint Jean Paul II, reprenant le mot de Syméon au Temple lorsqu’il accueillait l’enfant Jésus porté par ses parents (cf. Lc 2,34). Ce ferment se sème par la parole, par le comportement, par une liberté joyeuse qui appelle et conteste tout à la fois. Nous voudrions que nos églises soient accueillantes, mais si rien ne transpire à l’extérieur de la joie d’être au Christ, qui frappera à la porte ?

Un jugement sévère menace l’Église aujourd’hui. Il vient de l’intérieur. Positivement, beaucoup souhaitent que la vie ecclésiale ne se limite pas à la messe du dimanche, qu’elle soit un lieu de fraternité et de solidarité. Certains souhaitent qu’elle ressemble à la vie d’une famille. Que chacun puisse avoir non pas une place, mais un rôle à jouer, et apporte sa pierre à l’édifice, selon son charisme. Les portes de nos églises sont-elles ouvertes ? Beaucoup disent manquer d’air. Attention ! Que ceux qui font ce constat n’attendent pas des autres des changements clé en main ; qu’ils se mettent en route docilement sous l’inspiration de l’Esprit.

Le jugement vient aussi de l’extérieur. On entend que l’Église n’a plus rien à dire à ce monde en évolution rapide, qu’elle est passéiste et rétrograde ; qu’elle prêche la morale sans l’observer. Ces jugements sont selon l’esprit du monde. Ils cachent la déception d’une attente qui travaille au cœur des hommes. Oui, l’Esprit est à l’œuvre. C’est vrai, les chrétiens sont des pécheurs et ils ont beaucoup à dire de la miséricorde divine. Hélas, ces jugements dans lesquels on se drape, empêchent ceux qui les prononcent de pouvoir s’avancer pauvres au milieu des pauvres de l’Église.

Seigneur, guide ton Église au dedans et au dehors ! Fais-en une Église de pauvres ! Sois béni pour le chemin sur lequel tu nous fais « avancer ensemble » : synodalité.

29 septembre 2022

« Amitié, familiarité et confiance en Dieu » pour reconnaître ce qui lui plaît

 

« Vivre une relation d’amitié avec le Seigneur, comme un ami parle à un ami », voilà la clé pour bien discerner, a dit en substance le pape François dans sa troisième catéchèse sur le discernement. Car la « familiarité » et la « confiance en Dieu » permet de « reconnaître ce qui est agréable à Dieu ».

Le pape François a repris ses catéchèses sur le discernement, lors de l’audience générale de ce mercredi 28 septembre 2022, Place Saint-Pierre, après une interruption due à son voyage au Kazakhstan. Le pape a rappelé que le thème du discernement est « très important pour savoir ce qui se passe en nous » : il s’agit de discerner « d’où viennent » nos sentiments et nos idées, et « à quelle décision » ils nous mènent.

La prière, « indispensable au discernement spirituel », fait « aller au-delà des pensées, entrer dans l’intimité avec le Seigneur, avec une spontanéité affectueuse » qui « vainc la crainte ou le doute » à l’égard de la volonté de Dieu, a expliqué le pape. Certains chrétiens « doutent » que Dieu « veuille notre bonheur », a-t-il regretté. Mais Jésus « ne vous oblige jamais à le suivre », il « te fait connaître sa volonté, de tout son cœur » mais « il te laisse libre ».

François a recommandé de pratiquer « la prière de l’affection », « la prière de la proximité ». Si « le signe de la rencontre avec le Seigneur est la joie », en revanche, « la tristesse, ou la peur » sont « des signes d’éloignement » de Dieu, a-t-il affirmé. Le discernement « ne prétend pas à une certitude absolue », ce n’est pas seulement une question de « logique » ou de « raison », mais c’est avec le « cœur » que l’on se décide pour le Seigneur

 

Catéchèse en italien du pape François (Traduction intégrale)

  1. Les éléments du discernement. La familiarité avec le Seigneur

Chers frères et sœurs, bonjour !

Nous reprenons les catéchèses sur le thème du discernement, – parce que le sujet du discernement est très important pour savoir ce qui se passe en nous ; des sentiments et des idées, nous devons discerner d’où ils viennent, où ils me mènent, à quelle décision – et aujourd’hui nous nous focalisons sur le premier de ses éléments constitutifs, qui est la prière. Pour discerner, nous devons être dans un environnement, dans un état de prière.

La prière est une aide indispensable au discernement spirituel, surtout lorsqu’elle implique les affects, permettant de s’adresser à Dieu avec simplicité et familiarité, comme on parle à un ami. C’est savoir aller au-delà des pensées, entrer dans l’intimité avec le Seigneur, avec une spontanéité affectueuse. Le secret de la vie des saints est la familiarité et la confiance en Dieu, qui grandit en eux et leur permet toujours plus facilement de reconnaître ce qui Lui est agréable. La prière véritable est la familiarité et la confiance en Dieu. Ce n’est pas réciter des prières comme un perroquet, bla bla bla, non. La vraie prière est cette spontanéité et cette affection avec le Seigneur. Cette familiarité vainc la crainte ou le doute que Sa volonté ne soit pas pour notre bien, une tentation qui traverse parfois nos pensées et rend le cœur agité et incertain ou amer, également.

Le discernement ne prétend pas à une certitude absolue – n’est pas chimiquement une méthode pure, non, il ne prétend pas à une certitude absolue, car il s’agit de la vie, et la vie n’est pas toujours logique, elle comporte de nombreux aspects qui ne peuvent être enfermés dans une seule catégorie de pensée. Nous aimerions savoir avec précision ce qu’il faut faire, et pourtant, même lorsque cela se produit, nous n’agissons pas toujours en conséquence. Combien de fois avons-nous fait, nous aussi, l’expérience décrite par l’apôtre Paul qui dit ceci : « Je ne fais pas le bien que je voudrais, mais je commets le mal que je ne voudrais pas. » (Rm 7,19). Nous ne sommes pas seulement faits de raison, nous ne sommes pas des machines, il ne suffit pas de recevoir des instructions pour les exécuter : les obstacles, comme les aides, pour se décider pour le Seigneur sont avant tout affectifs, du cœur.

Il est significatif que le premier miracle accompli par Jésus dans l’Évangile de Marc soit un exorcisme (cf. 1, 21-28). Dans la synagogue de Capharnaüm, il délivre un homme du diable, le libérant de la fausse image de Dieu que Satan suggère depuis les origines : celle d’un Dieu qui ne veut pas notre bonheur. L’homme possédé, de ce passage de l’Évangile, sait que Jésus est Dieu, mais cela ne l’amène pas à croire en Lui. En fait, il dit : « Es-tu venu pour nous perdre ? » (v. 2

Beaucoup de gens, même des chrétiens, pensent la même chose : Jésus est peut-être le Fils de Dieu, mais ils doutent qu’il veuille notre bonheur ; certains craignent même que prendre au sérieux sa proposition, ce que Jésus nous propose, signifie ruiner la vie, mortifier nos désirs, nos aspirations les plus fortes. Ces pensées nous traversent parfois l’esprit : que Dieu nous en demande trop, nous avons peur que Dieu nous demande trop, ou veuille nous enlever ce qui nous est le plus cher. Que, en somme, il ne nous aime pas vraiment. Au contraire, lors de notre première rencontre, nous avons vu que le signe de la rencontre avec le Seigneur est la joie. Quand je rencontre le Seigneur dans la prière, je deviens joyeux. Chacun de nous devient joyeux, une chose belle. La tristesse, ou la peur, en revanche, sont des signes d’éloignement de Lui Dieu : « Si tu veux entrer dans la vie, observe les commandements », dit Jésus au jeune homme riche (Mt 19,17). Malheureusement pour ce jeune homme, certains obstacles ne lui ont pas permis de réaliser le désir qu’il avait dans son cœur, de suivre de plus près le « bon maître ». C’était un jeune homme intéressé, entreprenant, il avait pris l’initiative de rencontrer Jésus, mais il était aussi très partagé dans ses affections, pour lui la richesse était trop importante. Jésus ne le force pas à se décider, mais le texte note que le jeune homme se détourne de Jésus  » triste  » (v. 22). Qui s’éloigne du Seigneur n’est jamais satisfait, même s’il a à sa disposition une abondance de biens et de possibilités.

Jésus ne vous oblige jamais à le suivre, jamais. Jésus te fait connaître sa volonté, de tout son cœur il te fait connaître les choses, mais il te laisse libre. Et c’est ce qu’il y a de plus beau dans la prière avec Jésus : la liberté qu’il nous laisse. Au contraire, quand nous nous éloignons du Seigneur, nous restons avec quelque chose de triste, quelque chose de mauvais dans le cœur.

Discerner ce qui se passe en nous n’est pas facile, car les apparences sont trompeuses, mais la familiarité avec Dieu peut doucement dissiper les doutes et les craintes, rendant notre vie toujours plus réceptive à sa « douce lumière », selon la belle expression de saint John Henry Newman. Les saints brillent de lumière réfléchie et montrent dans les gestes simples de leur journée la présence aimante de Dieu, qui rend possible l’impossible. On dit que deux conjoints qui ont vécu ensemble longtemps en s’aimant finissent par se ressembler. On peut dire quelque chose de semblable de la prière affective : de manière graduelle mais efficace, elle nous rend toujours plus capables de reconnaître ce qui compte par connaturalité, comme quelque chose qui jaillit du fond de notre être. Être en prière ne signifie pas dire des paroles, des paroles, non ; être en prière signifie ouvrir son cœur à Jésus, s’approcher de Jésus, laisser Jésus entrer dans mon cœur et nous faire sentir sa présence. Et là, nous pouvons discerner quand c’est Jésus et quand c’est nous avec nos pensées, très souvent loin de ce que Jésus veut.

Demandons cette grâce : vivre une relation d’amitié avec le Seigneur, comme un ami parle à un ami (cf. St Ignace de L., Exercices spirituels, 53). Je me souviens d’un vieux frère religieux qui était le portier d’un collège et qui, chaque fois qu’il le pouvait, s’approchait de la chapelle, regardait l’autel et disait : « Bonjour », parce qu’il était proche de Jésus. Il n’avait pas besoin de dire bla bla bla, non :  » bonjour, je suis proche de toi et tu es proche de moi « . C’est la relation que nous devons avoir dans la prière : la proximité, la proximité affective, comme des frères, la proximité avec Jésus. Un sourire, un simple geste et ne pas réciter des paroles qui ne touchent pas le cœur. Comme je le disais, parlez à Jésus comme un ami parle à son ami. C’est une grâce que nous devons demander les uns pour les autres : voir Jésus comme notre ami, notre ami le plus grand et notre ami fidèle, qui ne fait pas de chantage, et surtout qui ne nous abandonne jamais, même lorsque nous nous éloignons de Lui.

Lui, il reste à la porte du cœur. « Non, je ne veux rien savoir avec toi », disons-nous. Et Lui, il reste silencieux, il reste là, à portée de main, à portée de cœur, car Lui, il est toujours fidèle. Allons de l’avant avec cette prière, disons la prière du « bonjour », la prière de saluer le Seigneur avec le cœur, la prière de l’affection, la prière de la proximité, avec peu de paroles mais avec des gestes et avec des œuvres bonnes. Merci.

 

17 septembre 2022

Khazakhstan : regarder la Croix du Christ

Homélie en la fête de l’Exaltation de la Sainte Croix

« De la Croix du Christ, nous apprenons l’amour, et non la haine ; nous apprenons la compassion, et non l’indifférence ; nous apprenons le pardon, et non la vengeance », a souligné le pape François dans son homélie en la fête de l’Exaltation de la Sainte Croix mercredi 14 septembre 2022.

Le pape a prononcé l’homélie de la messe du mercredi 14 septembre, en la fête de l’Exaltation de la Sainte Croix, sur la Place de l’Expo de Nour Soultan. Commentant la première lecture tirée du livre des Nombres, dans laquelle le peuple d’Israël perd confiance en Dieu et murmure contre lui, il a invité à « regarder de plus près les moments de notre histoire personnelle et communautaire où la confiance, dans le Seigneur et entre nous, a failli ».

 

 

Homélie du pape François

La croix est un gibet de mort, et pourtant, en ce jour de fête, nous célébrons l’exaltation de la Croix du Christ. C’est parce que sur ce bois, Jésus a pris sur lui notre péché et le mal du monde, et il les a vaincus par son amour. Voilà pourquoi nous la célébrons aujourd’hui. La Parole de Dieu que nous avons entendue nous le raconte, en opposant, d’une part, les serpents qui mordent et, d’autre part, le serpent qui sauve. Arrêtons-nous sur ces deux images.

Tout d’abord, les serpents qui mordent. Ils attaquent le peuple qui est tombé pour la énième fois dans le péché du murmure. Murmurer contre Dieu ce n’est pas seulement dire du mal et se plaindre de Lui ; cela signifie plus profondément, que, dans le cœur des Israélites, la confiance en Lui, en Sa promesse, a fait défaut. Le peuple de Dieu, en effet, marche dans le désert vers la terre promise et, accablé par la fatigue, il ne supporte pas le voyage (cf. Nb 21,4). Alors il se décourage, il perd espoir, et, à un certain moment, c’est comme s’il oublie la promesse du Seigneur : ils n’ont plus la force de croire que c’est Lui qui conduit leur voyage vers une terre riche et féconde.

Ce n’est pas une coïncidence si, alors que leur confiance en Dieu s’épuise, le peuple est mordu par des serpents qui tuent. Ceux-ci rappellent le premier serpent mentionné dans la Bible, dans le livre de la Genèse, le tentateur qui empoisonne le cœur de l’homme pour le faire douter de Dieu. En effet, le diable, précisément sous la forme d’un serpent, séduit Adam et Ève, les trompe et les rend méfiants en les convainquant que Dieu n’est pas bon, mais qu’il est plutôt envieux de leur liberté et de leur bonheur. A présent, dans le désert, les serpents reviennent, des « serpents brûlants » (v. 6) ; c’est dire que le péché des origines revient : les Israélites doutent de Dieu, ils ne lui font pas confiance, ils murmurent, se rebellent contre Celui qui leur a donné la vie et vont ainsi à leur mort. Voilà où mène la défiance du cœur !

Chers frères et sœurs, cette première partie du récit nous demande de regarder de plus près les moments de notre histoire personnelle et communautaire où la confiance, dans le Seigneur et entre nous, a failli. Combien de fois, découragés et impatients, nous nous sommes desséchés dans nos déserts, perdant de vue le but du voyage ! Dans ce grand pays aussi, il existe un désert qui, tout en offrant un paysage splendide, nous parle de cette peine, de cette aridité que nous portons parfois dans notre cœur. Ce sont les moments de fatigue et d’épreuve, dans lesquels nous n’avons plus la force de regarder vers le haut, vers Dieu. Ce sont les situations de la vie personnelle, ecclésiale et sociale dans lesquelles nous sommes mordus par le serpent de la méfiance qui nous injecte les poisons de la désillusion et du découragement, du pessimisme et de la résignation, en nous enfermant dans notre ego, en éteignant l’enthousiasme.

Mais dans l’histoire de cette terre, il y a eu d’autres morsures douloureuses : je pense aux serpents brûlants de la violence, de la persécution athée, à un parcours parfois troublé au cours duquel la liberté du peuple a été menacée et sa dignité blessée. Il est bon que nous gardions le souvenir de ce que nous avons souffert : nous ne devons pas effacer de notre mémoire certaines obscurités, au risque de croire qu’elles appartiennent au passé et que le chemin du bien est tracé pour toujours. Non, la paix n’est jamais acquise une fois pour toutes, elle doit être conquise chaque jour, tout comme la coexistence entre les différentes ethnies et traditions religieuses, le développement intégral et la justice sociale. Et pour que le Kazakhstan grandisse encore plus « dans la fraternité, le dialogue et la compréhension […] pour construire des ponts de solidarité et de coopération avec d’autres peuples, nations et cultures » (St Jean Paul II, Discours lors de la cérémonie d’accueil, 22 septembre 2001), l’engagement de tous est nécessaire. Avant tout, un acte de foi renouvelé envers le Seigneur est nécessaire : lever les yeux, regarder vers Lui et apprendre de son amour universel et crucifié.

Nous en arrivons ainsi à la deuxième image : le serpent qui sauve. Alors que le peuple meurt à cause des serpents brûlants, Dieu entend la prière d’intercession de Moïse et lui dit : « Fais-toi un serpent et dresse-le au sommet d’un mât ; celui qui sera mordu et qui le regardera restera en vie » (Nb 21,8). En effet, « quand un serpent avait mordu quelqu’un, s’il regardait le serpent d’airain, il restait en vie » (v. 9). Nous pourrions toutefois nous demander pourquoi Dieu, au lieu de donner ces instructions pénibles à Moïse, n’a-t-il pas simplement détruit les serpents venimeux ? Cette manière de faire nous révèle sa façon d’agir face au mal, au péché et à la méfiance de l’humanité. Alors comme maintenant, dans le grand combat spirituel qui anime l’histoire jusqu’à la fin, Dieu n’anéantit pas les bassesses que l’homme poursuit librement : les serpents venimeux ne disparaissent pas, ils sont toujours là, embusqués, ils peuvent toujours mordre. Qu’est-ce qui a changé alors, que fait Dieu ?

Jésus l’explique dans l’Évangile : « Comme Moïse a élevé le serpent dans le désert, il faut que le Fils de l’homme soit élevé, afin que quiconque croit en lui ait la vie éternelle » (Jn 3, 14-15). Voici le tournant : le serpent qui sauve est arrivé parmi nous : Jésus qui, élevé sur le bois de la croix, ne permet pas aux serpents venimeux qui nous assaillent de nous conduire à la mort. Face à nos bassesses, Dieu nous donne une nouvelle hauteur : si nous gardons le regard tourné vers Jésus, les morsures du mal ne peuvent plus nous dominer, parce que, sur la croix, il a pris sur Lui le poison du péché et de la mort et en a anéanti le pouvoir destructeur. C’est ce que le Père a fait face à la propagation du mal dans le monde ; il nous a donné Jésus, qui s’est fait proche de nous d’une manière telle que nous n’aurions jamais pu l’imaginer : « Lui qui n’a pas connu le péché, Dieu l’a fait péché pour nous » (2 Co 5, 21). Telle est l’infinie grandeur de la miséricorde divine : Jésus qui s’est « fait péché » pour nous, Jésus qui sur la croix s’est « fait serpent » – pourrions-nous dire – afin qu’en regardant vers Lui, nous puissions résister aux morsures empoisonnées des serpents mauvais qui nous assaillent.

Frères et sœurs, voici la route, la voie de notre salut, de notre renaissance et de notre résurrection : regarder Jésus crucifié. De cette hauteur, nous pouvons voir nos vies et l’histoire de nos peuples d’une manière nouvelle. Car de la Croix du Christ, nous apprenons l’amour, et non la haine ; nous apprenons la compassion, et non l’indifférence ; nous apprenons le pardon, et non la vengeance. Les bras ouverts de Jésus sont l’étreinte de tendresse avec laquelle Dieu veut nous accueillir. Et ils nous montrent la fraternité que nous sommes appelés à vivre entre nous et avec tous. Ils nous montrent le chemin, le chemin chrétien : non pas le chemin de l’imposition et de la contrainte, du pouvoir et de l’importance, jamais le chemin qui brandit la croix du Christ contre d’autres frères et sœurs pour lesquels il a donné sa vie ! La voie de Jésus, la voie du salut est autre : c’est la voie de l’amour humble, gratuit et universel, sans « si » et sans « mais ».

Oui, parce que sur le bois de la croix, le Christ a enlevé le poison du serpent du mal, et qu’être chrétien signifie vivre sans poisons : ne vous mordez pas, ne murmurez pas, n’accusez pas, ne bavardez pas, ne répandez pas d’œuvres mauvaises, ne polluez pas le monde avec le péché et la méfiance qui vient du Malin. Frères et sœurs, nous renaissons du côté ouvert de Jésus sur la croix : qu’il n’y ait pas en nous de poison de mort (cf. Sg 1, 14). Prions plutôt pour que, par la grâce de Dieu, nous devenions de plus en plus chrétiens : témoins joyeux de la vie nouvelle, de l’amour et de la paix.

 

25 août 2022

la porte du salut « est ouverte à tous », affirme le pape

« Engager sa vie dans l’amour, dans le service et dans le don de soi »

Lors de la prière de l’angélus du dimanche 21 août 2022, le pape François a cité les paroles du Christ tirées de l’évangile de Luc : « Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite » (Lc 13, 24) et il a souligné que « cette porte est donc étroite, mais elle est ouverte à tous ! »

La porte étroite, explique le pape, est « une image qui pourrait nous effrayer, comme si le salut n’était destiné qu’à quelques privilégiés ou aux parfaits ». « Mais cela contredit ce que Jésus nous a enseigné à plusieurs reprises » : à ce propos, le pape cite encore les paroles du Christ qui dit : « Ils viendront de l’est et de l’ouest, du nord et du sud, et ils se mettront à table dans le royaume de Dieu » (v. 29). « N’oubliez pas ceci, demande le pape : tout le monde ! La porte est ouverte à tous ! »

Le pape évoque un autre passage de l’Évangile ou le Christ dit : « Je suis la porte : si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé » (Jn 10, 9). Cela veut dire, explique le pape François, que « pour entrer dans la vie de Dieu, dans le salut, il faut passer par Lui, non par un autre, par Lui; accueillez-le et sa parole ». Et il poursuit : « De même que pour entrer dans la ville il fallait se « mesurer » par la seule porte étroite laissée ouverte, ainsi celle du chrétien est une vie « à la mesure du Christ », fondée et modelée sur lui et son Évangile. »

Revenant à la signification de l’expression « une porte étroite », le pape répète encore qu’elle n’est pas étroite « parce qu’elle est destinée à quelques-uns, non, mais parce qu’être de Jésus, c’est le suivre, engager sa vie dans l’amour, dans le service et dans le don de soi, comme lui qui a passé par la porte étroite de la croix ».

Pour « entrer dans le projet de vie que Dieu nous propose », explique le pape, il nous faut « rétrécir l’espace de l’égoïsme, réduire la présomption d’autosuffisance, abaisser les hauteurs de l’orgueil et de l’arrogance » et « vaincre la paresse pour franchir le risque de l’amour, même quand il s’agit de la croix ».

Le pape cite les exemples de « gestes d’amour quotidiens » en pensant « aux parents qui se consacrent à leurs enfants en faisant des sacrifices »; « à ceux qui se soucient des autres et pas seulement de leurs propres intérêts »; « à ceux qui se consacrent au service des personnes âgées, des plus pauvres et des plus fragiles » ; « à ceux qui continuent à travailler avec engagement, endurant des épreuves et peut-être des incompréhensions » ; « à ceux qui souffrent à cause de la foi, mais continuent à prier et à aimer »; à ceux qui « répondent au mal par le bien, trouvent la force de pardonner et le courage de recommencer ». « Ce ne sont là que quelques exemples de personnes qui ne choisissent pas la porte large de leur propre confort, mais la porte étroite de Jésus, d’une vie passée dans l’amour », affirme le pape.

À la fin de son intervention, le pape propose un examen de conscience aux fidèles : « Frères et sœurs, de quel côté voulons-nous être ? Préférons-nous la voie facile qui consiste à ne penser qu’à nous-mêmes ou choisissons-nous la porte étroite de l’Évangile, qui défie notre égoïsme, mais nous permet d’accueillir la vraie vie qui vient de Dieu et qui nous rend heureux ? De quel côté sommes-nous ? »

Le pape termine en priant la Vierge : « Que Notre-Dame, qui a suivi Jésus jusqu’à la croix, nous aide à mesurer notre vie sur lui, à entrer dans la vie pleine et éternelle. »

 

18 août 2022

Quel rapport entre la théophanie de l’Apocalypse et la vieillesse ?

 

Il y a un lien entre la « théophanie », l’apparition de Dieu, « et le cycle de la vie, le temps de l’histoire, la seigneurie de Dieu sur le monde créé. Et cet aspect a précisément à voir avec la vieillesse », a affirmé le pape François en commentant le livre de l’Apocalypse.

Au cours de sa 17e catéchèse sur le thème de la vieillesse, ce mercredi 17 août 2022, dans la Salle Paul VI, le pape François s’est inspiré de l’image biblique, reprise dans le livre de l’Apocalypse, selon laquelle Dieu est représenté comme un « vieillard » avec une « chevelure immaculée », « symbole ancien d’un temps très long, d’un passé immémorial, d’une existence éternelle ».

  Chers frères et sœurs, bonjour !

Les paroles du songe de Daniel, que nous avons entendues, évoquent une vision de Dieu mystérieuse et en même temps resplendissante. Elle est reprise au début du livre de l’Apocalypse et se réfère à Jésus ressuscité, qui apparaît au voyant comme Messie, prêtre et roi, éternel, omniscient et immutable (1, 12-15). Il pose la main sur l’épaule du voyant et le rassure : « Ne crains pas. Moi, je suis le Premier et le Dernier, le Vivant : j’étais mort, et me voilà vivant pour les siècles des siècles » (v. 17-18). Ainsi, la dernière barrière de la crainte et de l’angoisse, que la théophanie a toujours suscitée, disparaît : le Vivant nous rassure, nous donne une sécurité. Lui aussi est mort, mais il occupe maintenant la place qui lui est destinée : celle du Premier et du Dernier.

Dans cet enchevêtrement de symboles – il y a de nombreux symboles ici – il y a un aspect qui nous aide peut-être à mieux comprendre le lien de cette théophanie, cette apparition de Dieu, avec le cycle de la vie, le temps de l’histoire, la seigneurie de Dieu pour le monde créé. Et cet aspect a précisément à voir avec la vieillesse. Quel est le rapport ? Regardons !

La vision communique une impression de vigueur et de force, de noblesse, de beauté et de fascination. Le vêtement, les yeux, la voix, les pieds, tout est splendide dans cette vision : il s’agit d’une vision ! Mais ses cheveux sont blancs : comme la laine, comme la neige. Comme ceux d’une personne âgée. Le terme biblique le plus courant pour indiquer la personne âgée est « zaqen » : de « zaqan », qui signifie « barbe ». La chevelure immaculée est le symbole ancien d’un temps très long, d’un passé immémorial, d’une existence éternelle. Il ne faut pas tout démythifier avec les enfants : l’image d’un Dieu vieillard avec une chevelure immaculée n’est pas un symbole ridicule, c’est une image biblique, c’est une image noble et même une image tendre. La figure qui, dans l’Apocalypse, se tient entre les candélabres d’or se superpose à celle du « Vieillard » de la prophétie de Daniel. Il est vieux comme l’humanité tout entière, mais davantage encore. Il est ancien et nouveau comme l’éternité de Dieu. Parce que l’éternité de Dieu est ainsi, ancienne et nouvelle, parce que Dieu nous surprend toujours par sa nouveauté, il vient toujours à notre rencontre, chaque jour d’une manière particulière, pour ce moment-là, pour nous. Il se renouvelle toujours : Dieu est éternel, il est depuis toujours, nous pouvons dire qu’il y a comme une vieillesse en Dieu, il n’est pas vieux, mais il est éternel, il se renouvelle.

Dans les Eglises orientales, la fête de la Rencontre avec le Seigneur, qui est célébrée le 2 février, est l’une des douze grandes fêtes de l’année liturgique. Elle met en avant la rencontre de Jésus avec le vieux Siméon au temple, elle met en avant la rencontre entre l’humanité, représentée par les vieillards Siméon et Anne, et le Christ Seigneur enfant, le Fils éternel de Dieu fait homme. On peut en admirer une très belle icône à Rome, dans les mosaïques de Sainte-Marie-du-Trastévère.

La liturgie byzantine prie avec Siméon : « Celui-ci est celui qui est né de la Vierge : il est le Verbe, Dieu né de Dieu, Celui qui pour nous s’est incarné et a sauvé l’homme ». Et elle poursuit : « Que s’ouvre aujourd’hui la porte du ciel : le Verbe éternel du Père, ayant assumé un principe temporel, sans sortir de sa divinité, est présenté selon sa volonté au temple de la Loi par la Vierge Marie et le vieillard le prend entre ses bras ». Ces paroles expriment la profession de foi des quatre premiers Conciles œcuméniques, qui sont sacrés pour toutes les Eglises. Mais le geste de Siméon est également la plus belle icône de la vocation particulière de la vieillesse : présenter les enfants qui viennent au monde comme un don ininterrompu de Dieu, sachant que l’un d’eux est le Fils engendré dans l’intimité même de Dieu, avant tous les siècles.

La vieillesse, qui s’achemine vers un monde où pourra enfin irradier sans obstacles l’amour que Dieu a mis dans la création, doit accomplir ce geste de Siméon et Anne, avant de prendre congé. La vieillesse doit rendre témoignage – ceci est pour moi le cœur, le plus central de la vieillesse – la vieillesse doit rendre témoignage aux enfants de leur bénédiction : elle consiste à les initier – c’est beau et difficile – au mystère d’une destination à la vie que personne ne peut anéantir. Pas même la mort. Donner un témoignage de foi devant un enfant, c’est semer cette vie ; et donner un témoignage d’humanité et de foi, c’est la vocation des personnes âgées. Donner aux enfants la réalité qu’elles ont vécue comme un témoignage, passer le témoin. Nous autres, les personnes âgées, nous sommes appelés à cela, à passer le témoin, pour qu’ils avancent avec.

Le témoignage des personnes âgées est crédible pour les enfants : les jeunes et les adultes ne sont pas en mesure d’en donner un aussi authentique, aussi tendre, aussi poignant, que ce que peuvent faire les personnes âgées, les grands-parents. Quand la personne âgée bénit la vie qui vient à elle, en déposant tout ressentiment à l’égard de la vie qui s’en a, elle est irrésistible. Elle n’est pas amère parce que le temps passe et qu’elle va s’en aller, non. Elle est avec cette joie du bon vin, du vin qui est devenu bon avec les années. Le témoignage des personnes âgées unit les âges de la vie et les dimensions mêmes du temps : passé, présent et futur, parce qu’elles ne sont pas seulement la mémoire, elles sont le présent et également la promesse. C’est douloureux – et dommageable – de voir que l’on conçoit les âges de la vie comme des mondes séparés, en compétition entre eux, qui cherchent à vivre chacun aux dépends de l’autre : cela ne va pas. L’humanité est ancienne, très ancienne, si nous regardons le temps de la montre. Mais le Fils de Dieu, qui est né d’une femme, est le Premier et le Dernier de tous les temps. Cela veut dire que personne ne tombe en dehors de son éternelle génération, en dehors de sa force splendide, en dehors de sa proximité aimante.

L’alliance – et je dis alliance – l’alliance des personnes âgées et des enfants sauvera la famille humaine. Là où les enfants, là où les jeunes parlent avec les personnes âgées, il y a un avenir ; si ce dialogue n’existe pas entre les personnes âgées et les jeunes, l’avenir n’est pas clair. L’alliance des personnes âgées et des enfants sauvera la famille humaine. Pourrions-nous, s’il vous plaît, rendre aux enfants, qui doivent apprendre à naître, le tendre témoignage des personnes âgées qui possèdent la sagesse de la mort ? Cette humanité qui, avec tous ses progrès, nous semble un adolescent né hier, pourra-t-elle retrouver la grâce d’une vieillesse qui tient fermement l’horizon de notre destination ? La mort est certainement un passage de la vie difficile, pour nous tous : c’est un passage difficile. Nous devons tous y aller, mais ce n’est pas facile. Mais la mort est également le passage qui ferme le temps de l’incertitude et se débarrasse de la montre : c’est difficile parce que c’est cela le passage de la mort. Parce que ce qui est beau de la vie, qui n’a plus d’échéance, commence alors vraiment. Mais cela commence à partir de la sagesse de cet homme et de cette femme, âgés, qui sont capables de passer le témoin aux jeunes. Pensons au dialogue, à l’alliance des personnes âgées et des enfants, des personnes âgées avec les jeunes, et faisons en sorte que ce lien ne soit pas rompu. Que les personnes âgées aient la joie de parler, de s’exprimer avec les jeunes et que les jeunes cherchent les personnes âgées pour recevoir d’elles la sagesse de la vie.

11 Août 2022

Catéchèse : « Le temps qui passe n’est pas une menace, mais une promesse »

Le temps qui passe « n’est pas une menace », mais « une promesse », celle de partager un jour « une place à table avec Dieu », a affirmé le pape dans sa 16ème catéchèse sur la vieillesse. C’est pourquoi, a-t-il expliqué, « la vieillesse est le moment propice pour le témoignage émouvant et joyeux de cette attente ».

Le pape François a repris ses catéchèses sur le thème de la vieillesse, les « dernières » a-t-il dit, lors de l’audience générale de ce mercredi 10 août 2022, dans la Salle Paul VI. La précédente avait été consacrée à son voyage apostolique au Canada, après que la suspension des rendez-vous hebdomadaires du mercredi pendant le mois de juillet.

Notre existence sur terre ne vise pas « une perfection terrestre imaginaire », a insisté le pape. Elle est « une initiation à la vie », « une vie qui ne trouve son accomplissement qu’en Dieu seul ». François a rappelé que la mort n’est qu’un « passage » et que « notre lieu de stabilité, notre point d’arrivée n’est pas ici, c’est auprès du Seigneur, là où Il demeure pour toujours ».

Le pape s’est demandé s’il existait « dans les églises locales », quelque initiative « destinée à revitaliser ce ministère spécial de l’attente du Seigneur, encourageant les charismes individuels et les qualités communautaires de la personne âgée ». Car, a-t-il insisté, « la vieillesse est crédible quand elle invite à se réjouir du temps qui passe ».

Chers frères et sœurs, bonjour !

Nous en sommes aux dernières catéchèses consacrées à la vieillesse. Aujourd’hui, nous entrons dans l’intimité émouvante de l’adieu de Jésus aux siens, amplement rapporté dans l’Évangile de Jean. Le discours d’adieu commence par des paroles de consolation et de promesse : « Que votre cœur ne soit pas bouleversé » (14,1) ; « Quand je serai parti vous préparer une place, je reviendrai et je vous emmènerai auprès de moi, afin que là où je suis, vous soyez, vous aussi. » (14,3). Ce sont de belles paroles, celles du Seigneur.

Plus tôt, Jésus avait dit à Pierre : « tu me suivras plus tard » (13,36), lui rappelant le passage à travers la fragilité de sa foi. Le temps de vie qui reste aux disciples sera, inévitablement, un passage à travers la fragilité du témoignage et à travers les défis de la fraternité. Mais ce sera aussi un passage à travers les enthousiasmantes bénédictions de la foi : « Celui qui croit en moi fera les œuvres que je fais. Il en fera même de plus grandes » (14,12). Pensez à quelle promesse cela représente ! Je ne sais pas si nous y pensons au fond, si nous y croyons pleinement ! Je ne sais pas, parfois je pense que non…

La vieillesse est le moment propice pour le témoignage émouvant et joyeux de cette attente. Le vieil homme et la vieille femme attendent, ils attendent un rendez-vous. Dans la vieillesse, les œuvres de la foi, qui nous rapprochent, nous et les autres, du royaume de Dieu, sont désormais hors de portée des énergies, des paroles et des élans de la jeunesse et de la maturité. Mais ainsi elles rendent encore plus transparente la promesse de la vraie destination de la vie. Et quelle est la vraie destination de la vie ? Une place à table avec Dieu, dans le monde de Dieu. Il serait intéressant de voir s’il existe quelque référence spécifique dans les églises locales, destinée à revitaliser ce ministère spécial de l’attente du Seigneur – c’est un ministère, le ministère de l’attente du Seigneur – encourageant les charismes individuels et les qualités communautaires de la personne âgée.

Une vieillesse qui se consume dans le découragement des occasions manquées conduit au découragement pour soi et pour tous. Au contraire, la vieillesse vécue avec douceur et vécue avec le respect pour la vie réelle dissipe définitivement l’équivoque d’une puissance qui doit se suffire à elle-même et à son propre succès. Elle dissipe même l’équivoque d’une Église qui s’adapte à la condition mondaine, pensant ainsi gouverner définitivement sa perfection et son accomplissement. Lorsque nous nous libérons de cette présomption, le temps du vieillissement que Dieu nous accorde est déjà en soi une de ces œuvres « plus grandes » dont parle Jésus. En effet, c’est une œuvre qu’il n’a pas été donné à Jésus d’accomplir : sa mort, sa résurrection et son ascension au ciel l’ont rendue possible pour nous ! Rappelons-nous que « le temps est supérieur à l’espace ». C’est la loi de l’initiation. Notre vie n’est pas faite pour se renfermer sur elle-même, visant une perfection terrestre imaginaire : elle est destinée à aller au-delà, à travers le passage de la mort – parce que la mort est un passage. En effet, notre lieu de stabilité, notre point d’arrivée n’est pas ici, c’est auprès du Seigneur, là où Il demeure pour toujours.

Ici, sur terre, commence le processus de notre « noviciat » : nous sommes des apprentis de la vie qui – au milieu de mille difficultés – apprennent à apprécier le don de Dieu, assumant la responsabilité de le partager et de le faire fructifier pour tous. Le temps de la vie sur terre est la grâce de ce passage. L’idée d’arrêter le temps – vouloir l’éternelle jeunesse, le bien-être sans limite, le pouvoir absolu – n’est pas seulement impossible, cela relève du délire.

Notre existence sur terre est le temps de l’initiation à la vie : c’est la vie, mais qui te conduit à une vie plus complète, l’initiation à une vie plus complète ; une vie qui ne trouve son accomplissement qu’en Dieu seul. Nous sommes imparfaits dès le début et nous restons imparfaits jusqu’à la fin. Dans l’accomplissement de la promesse de Dieu, la relation est inversée : l’espace de Dieu, que Jésus nous prépare avec beaucoup de soin, est supérieur au temps de notre vie mortelle. Ici : la vieillesse rapproche l’espérance de cet accomplissement. La vieillesse connaît définitivement le sens du temps et les limites du lieu dans lequel nous vivons notre initiation. La vieillesse est sage à ce titre : les personnes âgées sont sages pour cela. C’est pourquoi elle est crédible lorsqu’elle nous invite à nous réjouir du temps qui passe : ce n’est pas une menace, c’est une promesse. La vieillesse est noble, elle n’a pas besoin de maquillage pour montrer sa noblesse. Peut-être le maquillage vient-il lorsque la noblesse fait défaut. La vieillesse est crédible quand elle invite à se réjouir du temps qui passe : mais le temps passe… Oui, mais ce n’est pas une menace, c’est une promesse. La vieillesse, qui retrouve la profondeur du regard de la foi, n’est pas conservatrice par nature, comme on dit ! Le monde de Dieu est un espace infini, sur lequel le passage du temps n’a plus aucun poids. Et précisément lors de la dernière Cène, Jésus se projette vers ce but, lorsqu’il a dit à ses disciples : « Désormais, je ne boirai plus de ce fruit de la vigne, jusqu’au jour où je le boirai, nouveau, avec vous dans le royaume de mon Père » (Mt 26, 29). Il est allé plus loin. Dans notre prédication, le Paradis est souvent, à juste titre, plein de félicité, de lumière, d’amour. Peut-être manque-t-il un peu de vie. Dans les paraboles, Jésus parlait du royaume de Dieu en y mettant plus de vie. Ne sommes-nous plus capables de le faire, nous ? La vie qui se poursuit…

Chers frères et sœurs, la vieillesse, vécue dans l’attente du Seigneur, peut devenir l’« apologie » accomplie de la foi, qui rend raison, à tous, de notre espérance pour tous (cf. 1 P 3, 15). Car la vieillesse rend transparente la promesse de Jésus, en se projetant vers la Cité Sainte dont parle le livre de l’Apocalypse (chap. 21-22). La vieillesse est le moment de l’existence le plus apte à transmettre la joyeuse nouvelle que la vie est une initiation pour un accomplissement définitif. Les personnes âgées sont une promesse, un témoignage de la promesse. Et le meilleur est encore à venir. Le meilleur est encore à venir : cela ressemble au message du vieil homme croyant, au message de la vieille femme croyante, le meilleur est encore à venir. Que Dieu nous accorde à tous une vieillesse capable de cela ! Merci.

 

4 Août 2022

« Retrouver l’harmonie entre sécularisation et valeurs spirituelles »

Bilan du voyage apostolique au Canada (Traduction intégrale)

Au retour de son voyage au Canada, le pape François a invité à « retrouver l’harmonie entre la modernité et les cultures ancestrales, entre la sécularisation et les valeurs spirituelles », dans le bilan qu’il fait de ce qu’il appelle un « pèlerinage pénitentiel ».

Chers frères et sœurs, bonjour !

Aujourd’hui, je voudrais partager avec vous quelques réflexions sur le voyage apostolique que j’ai effectué au Canada ces jours derniers. C’était un voyage différent des autres. En effet, la motivation principale était de rencontrer les populations originelles pour leur exprimer ma proximité et ma douleur et demander pardon – demander pardon – pour le mal qui leur a été fait par des chrétiens, parmi lesquels de nombreux catholiques qui ont collaboré, dans le passé, avec les politiques d’assimilation forcée et d’émancipation des gouvernements de l’époque.

C’est en ce sens qu’une démarche a été entreprise au Canada afin d’écrire une nouvelle page du chemin que l’Eglise effectue depuis longtemps avec les peuples indigènes. En effet, la devise du voyage, « Cheminer ensemble », l’explique un peu. Un chemin de réconciliation et de guérison qui suppose la connaissance historique, l’écoute des survivants, la prise de conscience et surtout la conversion, le changement de mentalité. Cet approfondissement a montré que, d’une part, certains hommes et femmes d’Eglise ont été parmi les défenseurs les plus déterminés et courageux de la dignité des populations autochtones, prenant leur défense et contribuant à la connaissance de leurs langues et de leurs cultures ; mais, d’autre part, il n’a malheureusement pas manqué de chrétiens, à savoir des prêtres, religieux, religieuses et laïcs, qui ont participé aux programmes dont nous comprenons aujourd’hui qu’ils sont inacceptables et même contraires à l’Evangile. Et c’est pour cela que je suis allé demander pardon au nom de l’Eglise.

Cela a donc été un pèlerinage pénitentiel. Il y a eu de nombreux moments joyeux, mais le sens et le ton général ont été la réflexion, le repentir et la réconciliation. Il y a quatre mois, j’avais reçu au Vatican, par groupes distincts, les représentants des peuples originels ; il y a eu au total six réunions pour préparer un peu cette rencontre.

Le pèlerinage a suivi trois grandes étapes : la première, à Edmonton, dans la partie occidentale du pays. La seconde à Québec, dans la partie orientale. Et la troisième dans le nord, à Iqaluit, à 300 kilomètres environ du cercle polaire arctique. La première rencontre s’est déroulée à Maskwacis, qui signifie « la colline de l’ours », où sont venus des chefs et des membres des principaux groupes indigènes de tout le pays : Premières Nations, Métis et Inuit. Ensemble, nous avons fait mémoire : la bonne mémoire de l’histoire millénaire de ces peuples, en harmonie avec leur terre : c’est l’une des plus belles choses des peuples originels, l’harmonie avec la terre. Ils ne maltraitent jamais la création, jamais. En harmonie avec la terre. Et nous avons également recueilli le souvenir douloureux des abus qu’ils ont subis, notamment dans les pensionnats, à cause des politiques d’assimilation culturelle.

Après le souvenir, le second pas de notre cheminement a été celui de la réconciliation. Non pas un compromis entre nous – ce serait une illusion, une mise en scène – mais cela a consisté à nous laisser réconcilier par le Christ, qui est notre paix (cf. Eph 2, 14). Pour ce faire, nous avons pris comme référence la figure de l’arbre, central dans la vie et la symbolique des peuples autochtones.

Mémoire, réconciliation et puis guérison. Nous avons fait ce troisième pas du chemin sur les rives du Lac Sainte-Anne, le jour même de la fête des saints Joachim et Anne. Nous pouvons tous puiser dans le Christ, source d’eau vive et là, en Jésus, nous avons vu la proximité du Père qui nous donne la guérison de nos blessures ainsi que le pardon de nos péchés.

De ce chemin de la mémoire, la réconciliation et la guérison, jaillit l’espérance pour l’Eglise, au Canada et en tout lieu. Et là, la figure des disciples d’Emmaüs qui, après avoir marché avec Jésus ressuscité, sont passés avec lui et grâce à lui de l’échec à l’espérance (cf. Lc 24, 13-35).

Comme je le disais au début, ce chemin avec les peuples autochtones a constitué la pierre angulaire de ce voyage apostolique. C’est sur elle que se sont greffées les deux rencontres avec l’Eglise locale et avec les Autorités du pays, auxquelles je désire redire ma sincère gratitude pour la grande disponibilité et l’accueil cordial qu’elles nous ont réservés, à moi-même et à mes collaborateurs. Et aux évêques aussi. Devant les gouverneurs, les chefs autochtones et le corps diplomatique, j’ai réaffirmé la volonté active du Saint-Siège et des communautés catholiques locales de promouvoir les cultures originelles, avec des parcours spirituels appropriés et en prêtant attention aux usages et aux langues des peuples. En même temps, j’ai souligné combien la mentalité colonisatrice se présente aujourd’hui sous des formes diverses de colonisations idéologiques, qui menacent les traditions, l’histoire et les liens religieux des peuples, aplatissant les différences, se concentrant uniquement sur le présent et négligeant souvent les devoirs envers les plus faibles et les plus fragiles. Il faut donc retrouver un équilibre sain, retrouver l’harmonie qui est davantage qu’un équilibre, c’est autre chose ; retrouver l’harmonie entre la modernité et les cultures ancestrales, entre la sécularisation et les valeurs spirituelles. Et cela interpelle directement la mission de l’Eglise, envoyée dans le monde entier pour témoigner et « semer » une fraternité universelle qui respecte et promeut la dimension locale avec ses multiples richesses (cf. encyclique Fratelli tutti, 142-153). Je l’ai déjà dit, mais je tiens à réitérer mes remerciements aux autorités civiles, à Madame la Gouverneure générale, au Premier ministre, aux autorités locales des lieux où je suis allé : je les remercie beaucoup pour la façon dont ils ont permis la réalisation des intentions et des gestes que j’ai mentionnés. Et je tiens à remercier les évêques, surtout pour l’unité de l’épiscopat : la réalisation des objectifs de ce voyage a été possible parce que les évêques étaient unis et là où il y a l’unité, on peut avancer. C’est pourquoi je voudrais souligner cela et remercier les évêques du Canada pour cette unité.

Et la dernière rencontre s’est déroulée sous le signe de l’espérance, sur la terre des Inuit, avec les jeunes et les personnes âgées. Je vous assure que, dans des rencontres, surtout la dernière, j’ai dû ressentir comme une gifle la souffrance de ces personnes : les personnes âgées qui ont perdu leurs enfants et ne savent pas où ils ont fini, à cause de cette politique d’assimilation. Cela a été un moment très douloureux mais il fallait y mettre le nez : nous devons mettre sous nos yeux nos erreurs et nos péchés. Au Canada aussi, c’est un binôme-clé, jeunes et anciens, c’est un signe des temps : les jeunes et les personnes âgées en dialogue pour marcher ensemble dans l’histoire entre mémoire et prophétie, qui vont ensemble. Que la force et l’action pacifique des peuples autochtones du Canada soient un exemple pour toutes les populations originelles afin qu’elles ne se renferment pas, mais qu’elles offrent leur contribution indispensable pour une humanité plus fraternelle, capable d’aimer la création et le Créateur, en harmonie avec la création, en harmonie avec vous tous.

 

 

3 Août 2022

 

L’avidité, une « maladie » qui détruit la personne et la société

La racine est dans le cœur de chacun

L’avidité, la « convoitise effrénée des biens » est une « maladie » qui détruit la personne car elle la rend « dépendante » et « esclave » ; c’est aussi une maladie « dangereuse pour la société », à la racine des guerres et des conflits, a averti le pape François avant l’angelus du dernier dimanche de juillet.

Avant la prière de l’angelus, le 31 juillet, de la fenêtre du studio du Palais apostolique du Vatican, le pape François a commenté l’Evangile de la liturgie du jour dans lequel il est question du partage d’un héritage entre deux frères. Devant la foule d’environ 12 000 personnes, rassemblées Place Saint-Pierre, François a mis en garde contre ce genre de disputes pour un héritage, fréquentes dans les familles.

 

Paroles du pape François avant l’angelus

 

Chers frères et sœurs, bonjour !

Dans l’Evangile de la liturgie de ce jour, un homme adresse cette requête à Jésus : « Maître, dis à mon frère de partager avec moi notre héritage » (Lc 12, 13). C’est une situation très ordinaire, ce genre de problèmes est encore à l’ordre du jour : combien de frères et sœurs, combien de membres d’une même famille se disputent pour un héritage, et peut-être ne se parlent-ils plus !

En répondant à cet homme, Jésus n’entre pas dans les détails, mais il va à la racine des divisions causées par la possession des choses et il dit clairement : « Gardez-vous bien de toute avidité » (v. 15). Qu’est-ce que l’avidité ? C’est la convoitise effrénée des biens, vouloir toujours s’enrichir. C’est une maladie qui détruit les personnes, parce que la soif de possession crée la dépendance. Et surtout, celui a beaucoup ne s’en contente jamais : il veut toujours plus, et seulement pour lui-même. Mais ainsi, il n’est plus libre : il est attaché, esclave de ce qui, paradoxalement, devait lui servir pour vivre libre et serein. Au lieu de se servir de l’argent, il devient le serviteur de l’argent. Mais l’avidité est une maladie dangereuse pour la société aussi : à cause d’elle, nous en sommes arrivés aujourd’hui à d’autres paradoxes, à une injustice comme jamais auparavant dans l’histoire, où un petit nombre a beaucoup et où beaucoup ont peu ou rien. Pensons également aux guerres et aux conflits : ils sont presque toujours dus à la soif de ressources et de richesses. Combien d’intérêts se cachent-ils derrière une guerre ? L’un d’eux est certainement le commerce des armes. Ce commerce est un scandale auquel nous ne devons et ne pouvons pas nous résigner.

Aujourd’hui, Jésus nous enseigne qu’au cœur de tout cela, il n’y a pas seulement quelques puissants ou certains systèmes économiques : au centre, il y a l’avidité qui est dans le cœur de chacun. Alors, essayons de nous interroger : où en suis-je du détachement des biens, des richesses ? Est-ce que je me lamente de ce qui me manque ou est-ce que je sais me contenter de ce que j’ai ? Suis-je tenté, au nom de l’argent et des opportunités, de sacrifier mes relations et de sacrifier mon temps pour les autres ? Ou encore : m’arrive-t-il de sacrifier la légalité et l’honnêteté sur l’autel de l’avidité ? J’ai dit « autel », l’autel de l’avidité, mais pourquoi ai-je dit « autel » ? Parce que les biens matériels, l’argent, les richesses peuvent devenir un culte, une véritable idolâtrie. C’est pourquoi Jésus nous met en garde par des paroles fortes. Il dit qu’on ne peut servir deux maîtres et, si nous sommes attentifs, il ne dit pas : Dieu et le diable, non, ou alors le bien et le mal, mais : Dieu et l’argent (cf. Lc 16, 13). On s’attendrait à ce qu’il dise : on ne peut servir deux maîtres, Dieu et le diable. Mais il dit : Dieu et l’argent. Se servir des richesses, oui ; servir la richesse, non ! C’est de l’idolâtrie, c’est offenser Dieu.

Alors, pourrions-nous penser, ne peut-on pas désirer être riche ? Bien sûr que oui, et même, il est juste de le désirer, c’est beau de devenir riche, mais riche selon Dieu ! Dieu est le plus riche de tous : il est riche en compassion, en miséricorde. Sa richesse n’appauvrit personne, il ne provoque ni disputes ni divisions. C’est une richesse qu’il aime donner, distribuer et partager. Frères et sœurs, accumuler des biens matériels ne suffit pas pour vivre bien parce que, comme le dit encore Jésus, la vie ne dépend pas de ce que l’on possède (cf. Lc 12, 15). Elle dépend, en revanche, des bonnes relations : avec Dieu, avec les autres et aussi avec celui qui a moins. Demandons-nous alors : et moi, comment est-ce que je veux m’enrichir ? Est-ce que je veux m’enrichir selon Dieu ou selon mon avidité ? Et, pour revenir à la question de l’héritage, quel héritage est-ce que je veux laisser ? De l’argent en banque, des choses matérielles ou des personnes heureuses autour de moi, des œuvres de bien que l’on n’oublie pas, des personnes que j’ai aidées à grandir et à mûrir ?

Que la Vierge Marie nous aide à comprendre quels sont les véritables biens de la vie, ceux qui restent pour toujours.

 

 

16 Juin 2022

Le précieux ministère de la gratitude envers Dieu » des personnes âgées 

« Exercer le précieux ministère de la gratitude envers Dieu, qui n’oublie personne », voilà ce que les personnes âgées peuvent apporter à la communauté, avec « la joie du vivre ensemble » : c’est ce qu’a affirmé le pape François ce mercredi 15 juin.

Pour sa quatorzième catéchèse sur le thème de la vieillesse, ce mercredi 15 juin 2022, le pape François a choisi le récit de la guérison de la belle-mère de Simon, rapporté au premier chapitre de l’Evangile selon saint Marc (1, 29-31). Il a fait observer, entre autres choses, l’attitude de la belle-mère de Simon qui, à peine guérie, se mit au service de la communauté.

Chers frères et sœurs, bonjour !

Nous avons entendu le récit simple et touchant de la guérison de la belle-mère de Simon – qui ne s’appelle pas encore Pierre – dans la version de l’évangile de Marc. Ce court épisode est rapporté, avec des variations légères mais frappantes, dans les deux autres évangiles synoptiques. « La belle-mère de Simon était au lit, elle avait de la fièvre », écrit Marc. Nous ne savons pas s’il s’agissait d’une maladie bénigne, mais dans la vieillesse, même une simple fièvre peut être dangereuse. Quand on est vieux, on ne contrôle plus son corps. Il faut apprendre à choisir quoi faire et ne pas faire. La vigueur du corps faiblit et nous abandonne, même si notre cœur ne cesse de désirer. Il faut alors apprendre à purifier le désir : être patient, choisir ce que l’on demande au corps, et à la vie. Quand on est vieux, on ne peut pas faire la même chose que quand on était jeune : le corps a un rythme différent, et il faut écouter le corps et accepter ses limites. Nous en avons tous. Même moi, je dois utiliser le bâton maintenant.

La maladie pèse sur les personnes âgées d’une manière différente et nouvelle que lorsqu’on est jeune ou adulte. C’est comme un coup dur qui tombe sur un moment déjà difficile. La maladie du vieillard semble hâter la mort et, en tout cas, diminuer ce temps à vivre que nous considérons déjà comme court. Le doute s’insinue dans l’idée que nous ne nous en remettrons pas, que « cette fois-ci, ce sera la dernière fois que je serai malade… », et ainsi de suite :  ces idées viennent… On n’arrive pas à rêver l’espérance d’un avenir qui semble désormais inexistant. Un célèbre écrivain italien, Italo Calvino, a noté l’amertume des personnes âgées qui souffrent de la perte des choses du passé, plus qu’ils ne profitent de l’arrivée des nouveautés. Cependant, la scène évangélique que nous venons d’entendre nous aide à espérer et nous offre déjà un premier enseignement : Jésus ne va pas tout seul rendre visite à cette vieille femme malade, il s’y rend avec les disciples. Et cela nous fait un peu réfléchir.

C’est précisément la communauté chrétienne qui doit prendre soin des personnes âgées : parents et amis, mais la communauté. La visite aux personnes âgées doit se faire à plusieurs, ensemble et souvent. Nous ne devrions jamais oublier ces trois lignes de l’Évangile. D’autant plus qu’aujourd’hui, le nombre de personnes âgées a considérablement augmenté, également à la proportion de jeunes, car nous sommes dans cet hiver démographique, moins d’enfants naissent et il y a beaucoup de personnes âgées et peu de jeunes. Nous devons assumer la responsabilité de rendre visite aux personnes âgées qui sont souvent seules et les présenter au Seigneur avec notre prière. Jésus lui-même nous enseignera comment les aimer. « Une société est véritablement accueillante à l’égard de la vie quand elle reconnaît qu’elle est précieuse même avec l’âge, dans le handicap, dans la maladie grave et même au moment de s’éteindre » (Message à l’Académie Pontificale pour la Vie, 19 février 2014). La vie est toujours précieuse. Jésus, lorsqu’il voit la vieille femme malade, il la prend par la main et la guérit : le même geste qu’il fait pour ressusciter la jeune femme morte : il la prend par la main et la fait se lever, la guérit en la remettant sur pieds. Jésus, par ce geste tendre d’amour, donne la première leçon aux disciples :  C’est-à-dire que le salut s’annonce ou, mieux, se communique à travers l’attention portée à cette personne malade ; et la foi de cette femme resplendit dans la gratitude pour la tendresse de Dieu qui s’est penchée sur elle. Je reviens à un thème que j’ai répété dans ces catéchèses : cette culture du déchet semble supprimer les personnes âgées. Oui, elle ne les tue pas, mais socialement elle les supprime, comme s’ils étaient un fardeau à porter : il vaut mieux les cacher. C’est une trahison de notre humanité, c’est la chose la plus vile, c’est sélectionner la vie en fonction de l’utilité, en fonction de la jeunesse et non avec la vie telle qu’elle est, avec la sagesse des personnes âgées, avec les limites des personnes âgées. Les personnes âgées ont tant à nous donner : c’est la sagesse de la vie. Ils ont tant à nous enseigner : c’est pourquoi nous devons aussi apprendre aux enfants à s’occuper de leurs grands-parents et à fréquenter leurs grands-parents. Le dialogue entre les jeunes et les grands-parents, les enfants et les grands-parents est fondamental pour la société, il est fondamental pour l’Église, il est fondamental pour la santé de la vie. Là où il n’y a pas de dialogue entre jeunes et vieux, quelque chose manque et il en résulte une génération sans passé, c’est-à-dire sans racines.

Si la première leçon a été donnée par Jésus, la seconde nous est donnée par cette femme âgée, qui « se leva et se mit à les servir”. Même comme personne âgée, on peut, voire on doit, servir la communauté. Il est bon que les personnes âgées cultivent encore la responsabilité de servir, en surmontant la tentation de se mettre à l’écart. Le Seigneur ne les rejette pas, au contraire, il leur redonne la force pour servir. Et j’aime noter qu’il n’y a pas d’emphase particulière dans le récit de la part des évangélistes : c’est la normalité de la vie de disciple, que les disciples apprendront, dans toute son ampleur, le long du chemin de formation qu’ils vivront à l’école de Jésus. Les anciens qui entretiennent la disposition pour la guérison, la consolation, l’intercession pour leurs frères et sœurs – qu’ils soient disciples, qu’ils soient centurions, personnes perturbées par des esprits mauvais, personnes rejetées… – sont peut-être le témoignage le plus grand de la pureté de cette gratitude qui accompagne la foi. Si les personnes âgées, au lieu d’être rejetées et congédiées de la scène des événements qui marquent la vie de la communauté, étaient placées au centre de l’attention collective, elles seraient encouragées à exercer le précieux ministère de la gratitude envers Dieu, qui n’oublie personne. La gratitude des personnes âgées pour les dons reçus de Dieu dans leur vie, comme nous l’enseigne la belle-mère de Pierre, redonne à la communauté la joie du vivre ensemble, et confère à la foi des disciples le trait essentiel de sa destination.

Mais nous devons bien apprendre que l’esprit d’intercession et de service, que Jésus prescrit à tous ses disciples, n’est pas simplement une affaire de femmes : il n’y a aucune ombre de cette limitation dans les paroles et les actes de Jésus. Le service évangélique de la gratitude pour la tendresse de Dieu n’est en aucun cas inscrit dans la grammaire de l’homme maître et de la femme servante. Cela n’enlève rien cependant au fait que les femmes, sur la gratitude et la tendresse de la foi, peuvent enseigner aux hommes des choses que ceux-ci ont plus de mal à comprendre. La belle-mère de Pierre, avant que les Apôtres n’y parviennent, sur le chemin à la suite de Jésus, leur a aussi montré le chemin. Et la délicatesse particulière de Jésus, qui « lui a touché la main » et « s’est penché délicatement » sur elle, a mis en évidence, dès le début, sa sensibilité spéciale à l’égards des faibles et des malades, que le Fils de Dieu avait certainement apprise de sa Mère. S’il vous plaît, faisons-en sorte que les vieux, que les grands-pères, les grands-mères soient proches des enfants, des jeunes pour transmettre cette mémoire de la vie, pour transmettre cette expérience de la vie, cette sagesse de la vie. Dans la mesure où nous faisons en sorte qu’entre les jeunes et les personnes âgées se tissent des relations, il y aura plus d’espérance pour l’avenir de notre société.

9 Juin 2022

"Naître d’en-haut", c’est se laisser «réconcilier» avec l’amour de Dieu, explique le pape

« Cette vie est précieuse aux yeux de Dieu : elle nous identifie comme des créatures aimées par Lui avec tendresse », explique le pape François.

Le pape François a donné sa treizième catéchèse sur le thème de la vieillesse, ce mercredi 8 juin 2022, Place Saint-Pierre. Il a commenté le dialogue entre Jésus et Nicodème, dans l’Evangile selon saint Jean, dans lequel Jésus explique à ce dernier ce que signifie « naître d’en-haut » pour « voir le royaume de Dieu ».

« Cette vie est précieuse aux yeux de Dieu : elle nous identifie comme des créatures aimées par Lui avec tendresse », a souligné le pape François. « La « naissance d’en haut », qui nous permet d' »entrer » dans le règne de Dieu, est une génération dans l’Esprit, un passage à travers les eaux vers la terre promise d’une création réconciliée avec l’amour de Dieu. C’est une renaissance d’en haut, avec la grâce de Dieu. Il ne s’agit pas de renaître physiquement une autre fois ».

Chers frères et sœurs, bonjour !

Parmi les personnages âgés les plus remarquables des Évangiles il y a Nicodème – un notable des Juifs – qui, désireux de connaître Jésus, mais en secret se rendit chez lui la nuit (cf. Jn 3, 1-21). Dans la conversation de Jésus avec Nicodème, émerge le cœur de la révélation de Jésus et de sa mission rédemptrice, lorsqu’il dit : « Car Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle » (v. 16).

Jésus dit à Nicodème que pour « voir le règne de Dieu », il faut « naître d’en haut » (cf. v. 3). Il ne s’agit pas de renaître, de répéter notre venue au monde, en espérant qu’une nouvelle réincarnation nous rouvrira la possibilité d’une vie meilleure. Cette répétition n’a pas de sens. Au contraire, elle viderait la vie que nous avons vécue de tout sens, l’effaçant comme s’il s’agissait d’une expérience ratée, d’une valeur périmée, d’un vide gaspillé. Non, ce n’est pas cela, cette nouvelle naissance dont parle Jésus : c’est autre chose. Cette vie est précieuse aux yeux de Dieu : elle nous identifie comme des créatures aimées par Lui avec tendresse. La « naissance d’en haut », qui nous permet d' »entrer » dans le règne de Dieu, est une génération dans l’Esprit, un passage à travers les eaux vers la terre promise d’une création réconciliée avec l’amour de Dieu. C’est une renaissance d’en haut, avec la grâce de Dieu. Il ne s’agit pas de renaître physiquement une autre fois.

Nicodème se méprend sur cette naissance, et met en cause la vieillesse comme preuve évidente de son impossibilité : l’être humain vieillit inévitablement, le rêve d’une jeunesse éternelle s’éloigne définitivement, l’usure est le port d’arrivée de toute naissance dans le temps. Comment peut-on imaginer un destin sous la forme d’une naissance ? Nicodème pense ainsi et ne trouve pas le moyen de comprendre les paroles de Jésus. Cette renaissance, qu’est-ce que c’est ?

L’objection de Nicodème est très instructive pour nous. En effet, nous pouvons la renverser, à la lumière de la parole de Jésus, pour y découvrir une mission propre à la vieillesse. En effet, la vieillesse non seulement n’est pas un obstacle à la naissance d’en haut dont parle Jésus, mais elle devient le moment opportun pour l’illuminer, en la libérant du malentendu d’une espérance perdue. Notre époque et notre culture, qui révèlent une tendance inquiétante à considérer la naissance d’un enfant comme une simple question de production et de reproduction biologique de l’être humain, cultivent ensuite le mythe de l’éternelle jeunesse comme l’obsession – désespérée – d’une chair incorruptible. Pourquoi la vieillesse est-elle – à bien des égards – dépréciée ? Parce qu’elle porte la preuve irréfutable qui récuse ce mythe, qui voudrait nous faire retourner dans le ventre de la mère, pour être éternellement jeunes de corps.

La technique se laisse allécher par ce mythe à tous égards : en attendant de vaincre la mort, nous pouvons maintenir le corps en vie grâce aux médicaments et aux cosmétiques, qui ralentissent, cachent, annulent la vieillesse. Bien sûr, une chose est le bien-être, une autre est l’alimentation des mythes. Il est cependant indéniable que la confusion entre les deux nous cause une certaine confusion mentale. Confondre le bien-être avec l’alimentation du mythe de l’éternelle jeunesse. On en fait tant pour retrouver cette jeunesse : tant de maquillages, tant de chirurgies pour paraître jeunes. Je me souviens des paroles d’une sage actrice italienne, Magnani, lorsqu’on lui a dit qu’il lui fallait enlever les rides et qu’elle répondit : « Non, ne les touchez pas ! Il a fallu tant d’années pour les obtenir : ne les touchez pas ! ». C’est ainsi : les rides sont un symbole d’expérience, un symbole de la vie, un symbole de la maturité, un symbole du chemin parcouru. Ne les touchez pas pour devenir jeunes, mais jeunes de visage : ce qui compte, c’est toute la personnalité, ce qui compte, c’est le cœur, et le cœur reste avec cette jeunesse du bon vin, qui plus il vieillit, plus se bonifie.

La vie dans la chair mortelle est une très belle chose « inachevée » : comme certaines œuvres d’art qui, précisément dans leur incomplétude, ont un charme unique. Parce que la vie ici-bas est une « initiation », pas un accomplissement : nous venons au monde comme ça, en tant que personnes réelles, comme des personnes qui avancent en âge, mais restent toujours authentiques. Mais la vie dans la chair mortelle est un espace et un temps trop fugaces pour garder intacte et mener à son terme la partie la plus précieuse de notre existence dans le temps du monde. La foi, qui accueille l’annonce évangélique du règne de Dieu auquel nous sommes destinés, a un premier effet extraordinaire, dit Jésus. Elle nous permet de « voir » le règne de Dieu. Nous devenons capables de voir réellement les nombreux signes de notre espérance d’accomplissement pour ce qui, dans notre vie, porte le signe de la destination pour l’éternité de Dieu.

Ce sont les signes de l’amour évangélique, illuminé à bien des égards par Jésus. Et si nous pouvons les « voir », nous pouvons aussi « entrer » dans le règne, avec le passage de l’Esprit par l’eau qui régénère.

La vieillesse est la condition, accordée à beaucoup d’entre nous, dans laquelle le miracle de cette naissance d’en haut peut être intimement assimilé et devenir crédible pour la communauté humaine : elle ne communique pas la nostalgie de la naissance dans le temps, mais l’amour pour la destination finale. Dans cette perspective, la vieillesse a une beauté unique : nous marchons vers l’Éternité. Personne ne peut réintégrer le ventre de la mère, pas même son substitut technologique et consumériste. Cela ne confère pas la sagesse, cela ne mène pas à un chemin accompli, c’est artificiel. Ce serait triste, même si c’était possible. Le vieil homme marche en avant, le vieil homme marche vers la destination, vers le ciel de Dieu, le vieil homme marche avec la sagesse de toute une vie. La vieillesse est donc un moment privilégié pour libérer l’avenir de l’illusion technocratique d’une survie biologique et robotique, mais surtout parce qu’elle ouvre à la tendresse du sein créateur et générateur de Dieu. Ici, je voudrais insister sur ce mot : la tendresse des personnes âgées. Observez un grand-père ou une grand-mère, comment ils regardent leurs petits-enfants, comment ils caressent leurs petits-enfants : cette tendresse, libre de toute épreuve humaine, qui a surmonté les épreuves humaines et qui est capable de donner gratuitement l’amour, la proximité amoureuse de l’un pour les autres. Cette tendresse ouvre la porte pour comprendre la tendresse de Dieu. N’oublions pas que l’Esprit de Dieu est proximité, compassion et tendresse. Dieu est ainsi, il sait comment caresser. Et la vieillesse nous aide à comprendre cette dimension de Dieu qu’est la tendresse. La vieillesse est le moment privilégié pour libérer l’avenir de l’illusion technocratique, c’est le moment de la tendresse de Dieu qui crée, trace un chemin pour nous tous.  Que l’Esprit nous accorde la réouverture de cette mission spirituelle – et culturelle – de la vieillesse, qui nous réconcilie avec la naissance d’en haut. Lorsque nous pensons à la vieillesse de cette manière, nous nous disons alors : comment se fait-il que cette culture du déchet décide de se débarrasser des personnes âgées, en les considérant comme non utiles ? Les personnes âgées sont les messagers de l’avenir, les personnes âgées sont les messagers de la tendresse, les personnes âgées sont les messagers de la sagesse d’une vie assumée. Allons-y de l’avant et ayons de la considération à l’égard des personnes âgées.


Je salue cordialement les pèlerins de langue française présents à cette audience, en particulier les pèlerins venus de France et de La Réunion, de Côte d’Ivoire et du Gabon.

Qu’à la suite de Nicodème, l’Esprit-Saint nous accorde la redécouverte de cette mission spirituelle de la vieillesse qui nous réconcilie avec « la naissance d’en haut ».

Que l’Esprit Saint Consolateur vous bénisse !

31 Mai 20022

« Savoir écouter », « premier geste de la charité », estime le pape

Journée mondiale des Communications sociales

« Savoir écouter » est « le premier geste de la charité », a déclaré le pape François de la fenêtre du Palais apostolique du Vatican donnant sur la Place Saint-Pierre, au terme de la prière du Regina Caeli, dimanche 29 mai 2022, Journée mondiale des Communications sociales.

« C’est aujourd’hui la Journée mondiale des Communications sociales, sur le thème : Ecouter avec l’oreille du cœur », a rappelé le pape après la prière dominicale récitée avec les nombreux fidèles et pèlerins rassemblés sur la Place Saint-Pierre, dimanche 29 mai à 12h.

Le pape a précisé : « Savoir écouter, en plus d’être le premier geste de la charité, est également le premier ingrédient indispensable du dialogue et de la bonne communication. Savoir écouter, laisser les autres tout dire, ne pas couper à la moitié, savoir écouter avec les oreilles et avec le cœur ».

« Je souhaite à tous de grandir dans cette capacité à écouter avec le cœur », a-t-il conclu.

Dans son Message pour la 56e Journée mondiale des Communications sociales, publié le 24 janvier dernier en la mémoire de saint François de Sales, le pape affirme que la « bonne communication » « prête attention aux raisons de l’autre et cherche à saisir la complexité de la réalité ».

Il y souligne également que « l’écoute requiert toujours la vertu de la patience, ainsi que la capacité de se laisser surprendre par la vérité, même si ce n’est qu’un fragment de vérité, chez la personne que nous sommes en train d’écouter. Seul l’étonnement permet la connaissance ».

27 Mai 2022

Le «désenchantement», une «crise salutaire» pour le monde contemporain

Il donne sagesse et humour

Le « désenchantement », qui survient de manière « quasiment inévitable » dans la vieillesse, est « une crise salutaire », a déclaré le pape François en commentant le livre de l’Ancien Testament Qohélet, ou l’Ecclésiaste, dans lequel l’auteur s’interroge avec ironie sur le sens de la vie et sur la vanité des choses humaines.

 

Catéchèse intégrale sur la vieillesse

Chers frères et sœurs, bonjour !

Dans notre réflexion sur la vieillesse – nous continuons à réfléchir sur la vieillesse -, nous abordons aujourd’hui le livre de Qohèleth, un autre trésor de la Bible. A la première lecture, ce court ouvrage frappe et laisse perplexe par son célèbre refrain : « Tout est vanité », tout est vanité : le refrain qui va et vient ; tout est vanité, tout est « brouillard », tout est « fumée », tout est « vide ». C’est surprenant de trouver ces expressions, qui remettent en question le sens de l’existence, dans l’Écriture Sainte. En réalité, l’oscillation continue de Qohèleth entre sens et non-sens est la représentation ironique d’une connaissance de la vie détachée de la passion pour la justice, garantie par le jugement de Dieu. Et la conclusion du Livre indique la voie pour sortir de l’épreuve : « crains Dieu et observe ses commandements. Tout est là pour l’homme. » (12,13). Voici le conseil pour résoudre ce problème.

Face à une réalité qui, à certains moments, nous semble accueillir tous les contraires, leur réservant malgré tout le même destin, qui est de finir dans le néant, la voie de l’indifférence peut aussi nous apparaître comme le seul remède à une douloureuse désillusion. Surgissent en nous des questions comme celles-ci : Nos efforts ont-ils changé le monde ? Quelqu’un est-il capable de faire valoir la différence entre le juste et l’injuste ? Il semble que tout cela soit inutile : pourquoi faire tant d’efforts ?

C’est une sorte d’intuition négative qui peut surgir à n’importe quelle saison de la vie, mais il ne fait aucun doute que la vieillesse rend quasiment inévitable ce rendez-vous avec le désenchantement. Le désenchantement survient dans la vieillesse. Et donc, la résistance de la vieillesse aux effets démoralisants de ce désenchantement est décisive : si les personnes âgées, qui désormais en ont vu de tout, gardent intacte leur passion pour la justice, alors il y a de l’espérance pour l’amour, et aussi pour la foi. Et pour le monde contemporain, le passage par cette crise est devenu crucial, une crise salutaire, pourquoi ? Parce qu’une culture qui prétend mesurer tout et manipuler tout finit aussi par produire une démoralisation collective du sens, une démoralisation de l’amour, une démoralisation également du bien.

Cette démoralisation nous enlève toute volonté d’agir. Une prétendue « vérité », qui ne se limite qu’à cataloguer le monde, catalogue aussi son indifférence à l’égard des contraires et les livre, sans rédemption, au flux du temps et au destin du néant. Sous cette forme – revêtue de scientificité, mais aussi privée de sensibilité et privée de morale – la recherche moderne de la vérité a été tentée de se débarrasser totalement de la passion pour la justice. Elle ne croit plus ni à son destin, ni à sa promesse, ni à sa rédemption.

Pour notre culture moderne, qui voudrait remettre pratiquement tout à la connaissance exacte des choses, l’apparition de cette nouvelle raison cynique – qui résume connaissance et irresponsabilité – est un très dur retour de bâton. En effet, la connaissance qui nous exonère de la moralité semble de prime abord une source de liberté, d’énergie, mais se transforme bien vite en une paralysie de l’âme.

Qohèleth, avec son ironie, démasque déjà cette tentation fatale d’une omnipotence du savoir – un « délire d’omniscience » – qui engendre une impotence de la volonté. Les moines de la plus antique tradition chrétienne avaient précisément identifié cette maladie de l’âme, qui découvre soudain la vanité de la connaissance sans foi ni morale, l’illusion de la vérité sans justice. Ils l’appelaient « acédie ». Et c’est l’une des tentations de tous, même des vieux, mais de tout le monde. Ce n’est pas simplement de la paresse : non, c’est bien plus. Il ne s’agit pas simplement d’une dépression : non. L’acédie est plutôt la capitulation devant la connaissance du monde sans passion pour la justice ni engagement conséquent.

Le vide de sens et de force ouvert par cette connaissance, qui rejette toute responsabilité éthique et toute attachement pour le bien réel, n’est pas sans inconvénients. Il ne prive pas seulement d’énergies la volonté du bien : par contre-coup, il donne libre cours à l’agressivité des forces du mal. Ce sont les forces d’une raison devenue folle, rendue cynique par excès d’idéologie. En fait, avec tous nos progrès et toute notre prospérité, nous sommes vraiment devenus une « société de la fatigue ». Pensez-y : nous sommes la société de la fatigue ! Nous étions censés produire un bien-être généralisé et nous tolérons un marché scientifiquement sélectif de la santé. Nous étions censés mettre une limite insurmontable à la paix, et nous voyons de plus en plus de guerres impitoyables contre des personnes sans défense. La science progresse, bien sûr, et c’est une bonne chose. Mais la sagesse de la vie est tout autre chose, et elle semble en perte de vitesse.

Enfin, cette raison sans-affectivité et irresponsable prive de sens et d’énergie également la connaissance de la vérité. Ce n’est pas un hasard si notre temps est celui des fakenews, des superstitions collectives et des vérités pseudo-scientifiques. C’est curieux : dans cette culture du savoir, de connaître toutes les choses, même de la précision du savoir, tant de sorcelleries se sont répandues, mais des sorcelleries cultivées. C’est de la sorcellerie avec une certaine culture mais qui t’amène à mener une vie pleine de superstitions : d’un côté, pour avancer avec intelligence en connaissant les choses jusqu’au fond ; d’autre part, l’âme qui a besoin d’une autre chose et emprunte le chemin des superstitions et finit dans le registre de la sorcellerie. La vieillesse peut apprendre de la sagesse ironique de Qohèleth l’art de mettre en lumière la tromperie cachée dans le délire d’une vérité de l’esprit dénuée d’affection pour la justice. Les personnes âgées, riches en sagesse et en humour, font tellement de bien aux jeunes ! Ils les préservent de la tentation d’un triste savoir mondain dépourvu de la sagesse de la vie. Et aussi, ces personnes âgées reconduisent les jeunes à la promesse de Jésus : « Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés » (Mt 5,6). Ce sont eux qui sèmeront la faim et la soif de justice chez les jeunes. Courage, nous tous, les anciens : courage et en avant ! Nous avons une très importante mission dans le monde. Mais, je vous en prie, nous ne devons pas nous réfugier dans cet idéalisme quelque peu non concret, non réel, sans racines – disons-le clairement : dans les sorcelleries de la vie.

 

27 Mai 2022

Regina Caeli : le pape François invite à accueillir la paix du coeur de Jésus

Un fruit de l’Esprit Saint

La paix « que Jésus nous laisse » est « une paix qui vient de son cœur doux, habité par la confiance », a déclaré le pape François avant le Regina Caeli, dimanche 22 mai 2022, de la fenêtre du studio du Palais apostolique donnant sur la Place Saint-Pierre.

Le pape a commenté un verset de l’évangile du jour selon saint Jean, avant de réciter la prière du Regina Caeli avec quelque 25 000 fidèles et visiteurs rassemblés Place Saint-Pierre pour la prière dominicale. Il s’agissait des paroles adressées par Jésus à ses disciples au moment de les quitter : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix ».

« On ne peut pas laisser aux autres la paix si on ne l’a pas en soi. On ne peut pas donner la paix si l’on n’est pas en paix », a affirmé le pape en soulignant la « sérénité » du Seigneur : malgré « la peur et la douleur » qu’il ressent, Jésus « n’a pas laissé place aux « reproches », au « ressentiment » et à « l’amertume ». Au contraire, « il est en paix, une paix qui vient de son cœur doux, habité par la confiance ».

 

Paroles du pape avant le Regina Caeli

Chers frères et sœurs, bon dimanche !

Dans l’Evangile de la liturgie de ce jour, en faisant ses adieux à ses disciples au cours du dernier repas, Jésus déclare, comme dans une sorte de testament : « Je vous laisse la paix ». Et il ajoute aussitôt : « Je vous donne ma paix » (Jean 14,27). Arrêtons-nous sur ces quelques mots.

Avant tout, je vous laisse la paix. Jésus prend congé avec des mots qui expriment affection et sérénité, mais il le fait à un moment qui est loin d’être serein. Judas est sorti pour le trahir, Pierre va le renier et presque tous vont l’abandonner : le Seigneur le sait, et pourtant il ne fait pas de reproches, il ne prononce pas de paroles sévères, il ne fait de discours durs. Au lieu de manifester de l’agitation, il reste gentil jusqu’à la fin. Un proverbe affirme qu’on meurt tel qu’on a vécu. Les dernières heures de Jésus sont en effet comme l’essence de toute sa vie. Il éprouve de la peur et de la douleur, mais il ne laisse pas place au ressentiment et à la protestation. Il ne se laisse pas aller à l’amertume, il ne se défoule pas, il n’est pas irritable. Il est en paix, une paix qui vient de son cœur doux, habité par la confiance. Et c’est de là que jaillit la paix que Jésus nous laisse. Parce qu’on ne peut pas laisser aux autres la paix si on ne l’a pas en soi. On ne peut pas donner la paix si l’on n’est pas en paix.

Je vous laisse la paix : Jésus montre que la douceur est possible. Il l’a incarnée précisément au moment le plus difficile ; et il désire que nous nous comportions ainsi nous aussi, que nous soyons les héritiers de sa paix. Il nous veut doux, ouverts, disponibles à l’écoute, capables de régler les différends et de tisser la concorde. C’est cela, témoigner de Jésus et cela vaut plus que mille paroles et de nombreuses prédications. Le témoignage de la paix. Demandons-nous si, dans les lieux où nous vivons, nous, disciples de Jésus, nous nous comportons ainsi : est-ce que nous désamorçons les tensions, est-ce que nous éteignons les conflits ? Avons-nous, nous aussi, des frictions avec quelqu’un, sommes-nous prompts à réagir, à exploser, ou savons-nous répondre par la non-violence, savons-nous répondre avec des gestes et des paroles de paix ? Comment est-ce que je réagis ? Que chacun s’interroge.

Certes, cette douceur n’est pas facile : comme il est difficile, à tous les niveaux, de désarmorcer les conflits ! Et là, la seconde phrase de Jésus vient à notre aide : « je vous donne ma paix ». Jésus sait que, par nous-mêmes, nous ne sommes pas en mesure de garder la paix, que nous avons besoin d’aide, d’un don. La paix, qui est notre engagement, est avant tout un don de Dieu. En effet, Jésus déclare : « Je vous donne ma paix ; ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne » (v.27). Quelle est cette paix que le monde ne connaît pas et que le Seigneur nous donne ? Cette paix est l’Esprit-Saint, l’Esprit même de Jésus. C’est la présence de Dieu en nous, c’est « la force de la paix » de Dieu. C’est lui, l’Esprit Saint, qui désarme le cœur et le remplit de sérénité. C’est lui, l’Esprit Saint, qui dénoue les rigidités et apaise les tentations d’agresser les autres. C’est lui, l’Esprit Saint, qui nous rappelle qu’à côté de nous il y a des frères et des sœurs, et non des obstacles et des adversaires. C’est lui, l’Esprit Saint, qui nous donne la force de pardonner, de recommencer et de repartir parce que nous ne le pouvons pas par nos propres forces. Et c’est avec lui, avec l’Esprit Saint, que l’on devient des hommes et des femmes de paix.

Chers frères et sœurs, aucun péché, aucun échec, aucune rancœur ne doit nous décourager de demander avec insistance le don de l’Esprit Saint qui nous donne la paix. Plus nous sentons notre cœur agité, plus nous percevons en nous énervement, intolérance ou colère et plus nous devons demander au Seigneur l’Esprit de paix. Apprenons à dire tous les jours : « Seigneur, donne-moi ta paix, donne-moi l’Esprit Saint ». C’est une belle prière. Disons-la ensemble : « Seigneur, donne-moi ta paix, donne-moi l’Esprit Saint ». Je n’ai pas bien entendu, encore une fois : « Seigneur, donne-moi ta paix, donne-moi l’Esprit Saint ». Et demandons-le aussi pour ceux qui vivent à nos côtés, pour ceux que nous rencontrons chaque jour et pour les responsables des nations.

Que la Vierge Marie nous aide à accueillir l’Esprit Saint pour être des artisans de paix.